
Les 20 et 21 septembre, un rassemblement « féministe et antinucléaire » se tiendra près de Bure, dans la Meuse, lieu du projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires. Il s’agit d’un événement inédit, en non-mixité, « pour créer, nous donner du pouvoir et prendre soin les unes des autres », selon les organisatrices.
Un rassemblement en mixité choisie, « entre femmes, meufs, gouines, personnes trans, intersexes, non binaires… sans hommes cisgenres (cisgenre signifie être en accord avec le genre qui nous a été assigné à la naissance) », selon le site des Bombes atomiques.
Au programme de ce moment inédit : des ateliers (autogynéco, autodéfense féministe, chorale), des discussions, des films, du théâtre… point central du week-end, une « marche bruyante contre LABOminable » est prévue le samedi après-midi, sans précision pour le moment sur le parcours.
À l’origine de ce week-end, le collectif des Bombes atomiques, qui « s’est formé récemment afin de s’organiser pour résister au nucléaire et à son monde en choisissant des modes d’action féministes ». En amont du rassemblement, Reporterre a interviewé trois femmes du groupe.
Reporterre — Comment est venue l’idée d’un week-end antinucléaire et féministe à Bure ?
Des Bombes atomiques — C’est parti de quelques-unes d’entre nous qui nous intéressons à l’écoféminisme, aux liens entre écologie et féminisme. Rapidement, nous avons été rejointes par des féministes, des antinucléaires, des personnes avec des passés militants très variés. L’organisation en non-mixité, sans hommes cisgenres, a motivé plein de personnes, enchantées par cette proposition.
En France, quels liens existent entre féminisme et antinucléaire ?
Ailleurs, il y a eu des expériences fortes, comme Greenham Common en Angleterre [le camp contre l’installation de missiles nucléaires sur la base de la Royal Air Force de Greenham Common, en Angleterre, a duré près de vingt ans]. Mais en France, on n’a pas eu de luttes de ce type : le lien entre écologie et féminisme a été très peu pensé et expérimenté. On est parties de ce « non-héritage », et plus que de penser le lien entre féminisme et écologie, on a eu envie de le vivre. Se réunir le temps d’un week-end et voir ce qu’on fait et ce qu’on a envie de faire ensemble. Ce qu’on propose est un tremplin plutôt qu’un aboutissement. (...)
Il s’agit aussi d’inventer des moments et des luttes créatives, amusantes, émancipatrices, tout en étant attentives aux rapports de domination qui nous traversent. Concrètement, ce lien entre écologie et féminisme permet à des femmes qui ne seraient jamais venues à Bure de venir. On multiplie les portes d’entrée dans la lutte. (...)
Jusqu’à présent, la non-mixité a surtout été instaurée pour des luttes et thématiques féministes. On se réunit par exemple souvent pour parler de viols et d’agressions. Nous voulons nous réapproprier d’autres thèmes, comme l’écologie, en non-mixité. Nous avons envie de nous organiser ensemble, de créer ensemble, de nous donner du pouvoir et de la puissance, de prendre soin les unes des autres. (...)
La mixité choisie permet aussi à des personnes qui ne seraient pas venues à Bure de participer (...)
Depuis qu’on a commencé ce processus d’organisation, on a reçu plein de messages d’encouragement, de femmes qui luttent contre le nucléaire là-bas et qui n’ont jamais été féministes. Bien sûr, il y a aussi des retours des mecs qui se sentent exclus…
On espère réussir à faire venir des personnes qui n’ont jamais mis les pieds à Bure, pour plein de raisons, notamment la peur de la répression. On souhaite créer un cadre chouette pour qu’elles se ressentent partie prenante de cette lutte.
La lutte de Bure doit être pensée au niveau national. Ce week-end est aussi un rassemblement d’ampleur, avec des gens qui viennent de partout en France.
La semaine suivante se tiendra une manifestation à Nancy, Vents de Bure. On peut imaginer des liens entre les deux.
Le 21 septembre, c’est aussi une journée de convergence Gilets jaunes, écolos… C’est le moment de décloisonner toutes les luttes. La révolution écologique n’est pas une révolution blanche, patriarcale, mais elle prend en compte le système qui nous met dans cette situation, qui entremêle toutes les dominations. (...)