
Cesare Battisti annonçait le 8 septembre une grève totale de la faim et des soins thérapeutiques, ayant épuisé en vain tous les recours possibles pour faire respecter ses droits en détention. Aussitôt, une manipulation médiatique s’est déversée, y compris en France, laissant entendre que son maintien à l’isolement venait d’être validé par la cour de cassation, sans préciser qu’elle cassait en réalité un recours contre les 6 mois d’isolements purgés au tout début de son incarcération.
Et le 12 septembre, l’information tombe : ils l’ont transféré sans préavis en Calabre, dans une prison qui regroupe les djihadistes, encore plus inaccessible aux visites de sa famille et de son avocat.
L’interview de Davide Steccanella, avocat de Cesare, traduisait il y a un mois tout juste, la sensation de négation de son métier dans « cet État de non-droit » face à l’acharnement médiatique et judiciaire obscène réservé à Cesare. A relire à la lumière des derniers évènements.
(...) Davide Steccanella est avocat de profession. Et il défend une personne inconfortable, Cesare Battisti, qui a toujours été un personnage controversé, qui chatouille les pires instincts pro-potence.
Le dernier scandale à son sujet - parce qu’il l’est devenu – concerne la nourriture. Les faits sont simples : étant atteint d’hépatite et de prostatite, dit Steccanella à Il Dubbio, la nourriture de la prison est mauvaise pour sa santé. Il aimerait avoir, comme les autres détenus, la possibilité de cuisiner lui-même, avec un petit four, la nourriture la mieux adaptée à son état.
Mais la chose est immédiatement devenue toute autre. C’est-à-dire une demande de privilège, de traitement de faveur, aux yeux de ceux qui, le jour de son arrivée en Italie, ont défilé à l’aéroport comme sur une scène. Tout cela malgré le fait que Battisti, depuis un an maintenant, vit dans un état d’isolement illégitime. Pour les juges de l’exécution, sa peine de prison à vie - à purger pour meurtre et vol commis au moment de son militantisme parmi les Prolétaires armés pour le communisme - est égale à celle des autres prisonniers de droit commun. Pas de 41 bis, pas d’isolement.
Mais le ministère de la justice a ordonné pour lui une haute surveillance, l’envoyant dans une prison - celle de Massama, en Sardaigne - où il est le seul à relever de ce régime. Et donc seul, bien que sa période d’isolement, établie par une sentence, soit limitée à six mois. Dans ces conditions, le poêlon dans la cellule n’est donc pas autorisé. Tout comme il est inutile de se demander pourquoi il est encore isolé de tout le monde : personne ne répond. (...)
Il réclamait le même droit que les autres prisonniers à pouvoir cuisiner dans leur cellule une nourriture compatible avec leur propre état de santé, car il a constaté une détérioration de son état de santé à cause de la nourriture de la prison. Qu’elle soit appétissante ou non, ce n’est pas de cela qu’il s’agit ici : elle contient un certain type de graisse qui lui provoque des troubles. Voilà quels étaient les faits, qui sont devenus « Battisti se plaint du menu ». (...)
ce régime spécial est-il le résultat d’une décision d’un juge ?
Non : les magistrats de l’exécution, en rejetant ma demande de commutation de la peine à 30 ans d’emprisonnement, tel que l’Italie s’y est engagé auprès du Brésil, ont établi que cette peine ne devait pas être soumis à des régimes spéciaux, mais à un régime ordinaire, car les faits remontent à 1979. Cependant, le ministère a décidé, en son avis incontestable, qu’il devait être maintenu sous haute surveillance. Ou être envoyé à Rossano, avec les terroristes islamiques. Cela a-t-il un sens ? Je suis avocat de métier, je suis le fils d’un magistrat et j’ai été policier, je dois croire aux institutions, mais je vois un ancien vice-premier ministre qui devant une telle demande dit « tais-toi et vite, lâche meurtrier » et je vois que Torregiani est interviewé pour dire au public qu’il a l’habitude de manger des huîtres. Je me retrouve à assister une personne dont le nom déclenche les instincts les plus vils et ce que je trouve grave, c’est que l’État finisse par être l’otage de l’opinion publique. Car ce traitement injuste est le résultat d’une incapacité à aller à l’encontre de la vindicte populaire. Je ne peux pas trouver d’autre explication. Battisti est présenté comme un monstre, comme s’il avait inventé la lutte armée, mais tandis que ceux qui l’ont fait évader en 1981 ont continué à combattre l’État, sauf peut-être à se repentir ou se dissocier pour purger deux ans de prison, il a quitté l’Italie, sans poursuivre cette lutte. Quel est son tort, ne pas s’être rendu ?
Peut-être celle d’avoir passé tant d’années en homme libre... (...)
Un jour, nous réaliserons les conséquences de ce que nous avons fait en cédant à cette poussée pro-potence. Nous serons tous perdants, nous le regretterons tous, mais il sera trop tard. Si nous voulons une justice sommaire, alors mettons franchement une potence sur la place, cela coûte encore moins cher. Mais en tant qu’avocat, je ne veux pas être complice, parce qu’alors je fournis un alibi, en prétendant que tout va bien, puisqu’étant donné ma présence, le droit de la défense est garanti. Qu’on dise clairement que pour Battisti et Vallanzasca les règles ne tiennent pas, avocats et juges ne servent à rien et alors dépensons l’argent pour d’autres raisons. Mais ayons le courage de le dire, sans pour autant nous faire passer pour un État de droit : nous l’avons abandonné, le droit, dans ces cas-là. (...)
Je veux un État sérieux et crédible, pas un État vengeur du Far West.