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Végétarisme, logements rénovés, technologies vertes… les scénarios pour une neutralité carbone en 2050
1er décembre 2021
Article mis en ligne le 22 août 2022

Dans un épais rapport, l’Ademe a dessiné quatre scénarios capables de conduire la France vers la neutralité carbone en 2050. Reste à les mettre en place.

Cela faisait longtemps que l’on n’avait pas lu un travail de prospective aussi vaste. Alors que depuis des semaines, les rapports techniques s’empilent à propos du mix énergétique souhaité pour la France (rapports de RTE et de Negawatt), l’Agence de la transition écologique (Ademe) prend le parti de voir « beaucoup plus large » : elle avance que la neutralité carbone est un enjeu qui dépasse largement le seul sujet d’un rapport production/consommation.

Dans ce rapport de près de 700 pages, publié le 30 novembre et intitulé « Transition(s) 2050 », l’Ademe propose quatre scénarios pour quatre tendances de société : un ambitieux « génération sobre » (S1), une « coopération territoriale » (S2), des « technologies vertes » (S3) et enfin un plus hasardeux « pari réparateur » (S4) très intensif technologiquement. Tous sont mis en regard d’un scénario tendanciel, qui ne permet pas de tenir les objectifs bas carbone et « nous envoie dans le mur », rappelle Arnaud Leroy, responsable de l’Ademe.
Une base commune : neutralité carbone et baisse des consommations globales

Premier enseignement : non seulement il est possible d’arriver à une neutralité carbone en 2050, mais il existe différentes voies pour y parvenir. (...)

Tous les scénarios, avec des méthodes différentes, tablent sur une rénovation massive des logements — jusqu’à 90 % du parc —, important levier d’économies d’énergies, mais aussi de bien-être et de justice sociale.

Loin de la foire au gigawatt, « l’enjeu est de ne pas limiter la question de l’avenir de notre pays à une question d’EPR » (le réacteur pressurisé européen), selon Arnaud Leroy. Chaque scénario est aussi « tenu par une cohérence interne », souligne le responsable de l’Ademe. Il est même fait état du besoin de « nouveaux récits », qui résonneraient comme autant de propositions politiques — exclusion faites des plus réactionnaires. (...)

Deux scénarios sobres, pour une société en « recherche de sens » (...)

Dans ce scénario, les métropoles laissent place à une redynamisation des villes moyennes. Les logements vacants et résidences secondaires sont réappropriés comme résidences principales. Côté transport, le nombre moyen de kilomètres parcourus baisse d’un tiers, avec une diminution de 70 % des émissions de GES du secteur.

L’Ademe évoque longuement les modes de vie, notamment la consommation alimentaire. Ainsi, dans cette perspective « sobre », un tiers des Français ne mange plus de viande, un autre tiers devient flexitarien et l’agriculture est à 70 % biologique, tandis que l’industrie a diminué ses émissions de moitié. (...)

Pour les moins optimistes, l’Ademe propose un second scénario de sobriété (S2) qui fait, lui, la part belle au collectif et aux territoires. Bienvenue dans une « économie du partage », avec « une rénovation massive des logements », dont une part est mise en commun, avec des « évolutions graduelles, mais profondes, des modes de vie ». (...)

Dans cette vision, une fiscalité environnementale permet la redistribution dans une « gouvernance partagée ». Une réindustrialisation ciblée peut être opérée dans des secteurs clés. (...)

« Technologies vertes » et « pari réparateur » : deux scénarios basés sur l’innovation (...)

Des politiques actuelles limitées

Si cet imposant travail fournit déjà de nombreux éléments, deux grands « feuilletons » manquent à l’appel pour consolider cette étude. Le premier, qui sera publié par l’Ademe fin janvier 2022, précisera le contenu du mix électrique de chacun des scénarios, même s’il est déjà précisé que « tous les scénarios comportent une part de nucléaire historique de base en 2050 », excluant donc d’office l’hypothèse du scénario Négawatt d’une transition 100 % renouvelable. Dans ce même complément, la question des besoins en métaux sera également traitée : zinc, cuivre, lithium, mais également certaines terres rares essentielles pour la quasi-totalité des nouvelles technologies numériques et « vertes ». Enfin, à la fin mars, à quelques jours de l’échéance présidentielle, on connaîtra l’analyse des effets macroéconomiques de ces scénarios, les fiscalités associées et les dispositifs d’adaptation au changement climatique envisagés.

Écueil majeur, mais révélateur de la déconnexion entre les différents enjeux écologiques : si la question du « vivant » est évoquée comme centrale, elle ne l’est que dans sa forme « morte » — consommation alimentaire humaine ou celle des animaux d’élevage, valorisation des végétaux en tant que biomasse, etc. En fait, aucun chiffrage précis n’est donné sur les impacts de ces projections sur la biodiversité et les écosystèmes. L’eau n’est également abordée que par l’entrée « irrigation ». Rien n’est dit sur les capacités des nappes et des stockages d’abonder dans le futur.

Pour autant, ce travail est très complet et a le mérite de placer au centre du débat l’enjeu de la sobriété énergétique. (...)

Du grain à moudre pour les associations qui, dans une tribune portée par France Nature Environnement (FNE) le 30 novembre, dénoncent un débat démocratique « confisqué » sur les choix énergétiques.