
En Guadeloupe et en Martinique, les manifestations en opposition aux mesures sanitaires se multiplient, avec le scandale du chlordécone en toile de fond. La proportion de la population vaccinée contre le Covid-19 demeure largement inférieure à celle de la métropole tandis que le nombre de victimes de la pandémie augmente dramatiquement.
À l’heure où la situation sanitaire a pris un tour dramatique aux Antilles françaises, la méfiance de la population vis-à-vis des politiques nationales de santé est vive. Cela vient en écho au scandale du chlordécone, insecticide responsable de cancers mortels mais aussi de la pollution massive de l’eau et des sols. Aujourd’hui, sa présence est détectée chez plus de 90 % de la population en Guadeloupe et en Martinique.
Aussi, la vaccination et la mise en place du passe sanitaire sont loin de faire l’unanimité : seulement 22,3 % des Guadeloupéens et moins de 20 % des Martiniquais présentent un schéma vaccinal complet. Et il suffit d’un rapide coup d’œil sur la page Facebook de l’Agence régionale de santé en Martinique pour trouver des allusions au chlordécone. « Au lieu de nous forcer à nous vacciner, préoccupez-vous de nos terres, polluées depuis 1972 ! », peut-on lire sous une publication. Abonné à un groupe anti-passe sanitaire sur le réseau social, David explique : « Moi, je dénonce l’hypocrisie de l’État français. Après ce que le gouvernement nous a fait subir, on ne va pas se contenter d’obéir docilement à ses consignes. »
« La parole institutionnelle n’a, pour nous, plus aucune valeur ! » (...)
« Il n’y a qu’en Martinique et en Guadeloupe qu’on a utilisé ce produit, et on nous a toujours caché sa dangerosité, explique Guilaine Sabine, fondatrice du collectif Zéro Chlordécone Objectif Zéro Poison, créé en 2012. Vous pensez bien qu’après ça, la parole institutionnelle n’a, pour nous, plus aucune valeur ! »
En plus de vingt ans, cette molécule toxique au taux de persistance pouvant aller jusqu’à 600 ans, a contaminé les populations, les denrées, les animaux, les sols et les milieux aquatiques, provoquant un nombre effrayant de cancers, d’accouchements prématurés, de fausses couches et de troubles du neurodéveloppement chez les enfants. Une véritable bombe à retardement pour les générations à venir, dont on peine encore à mesurer l’ampleur exacte. En dépit de la reconnaissance inédite en 2018 par Emmanuel Macron de la responsabilité de l’État français dans cette affaire, la Martinique et la Guadeloupe paient aujourd’hui encore un lourd tribut aux politiques de l’époque. (...)