
Les événements de ces deux dernières semaines ont radicalement altéré le cours du débat sur ACTA et de sa procédure de ratification, tant au niveau européen que des États membres. La pression citoyenne colossale a eu un effet incontestable et a modifié l’équilibre des forces en présence. De peur qu’ACTA soit rapidement rejeté, le commissaire européen De Gucht a réussi à ralentir la procédure d’un ou deux ans. En gardant à l’esprit des objectifs clairs, il est peut-être temps de penser aussi au-delà d’ACTA pour comprendre comment tenter collectivement de protéger nos libertés en ligne, en repensant un régime du droit d’auteur malade, en guerre contre l’Internet libre.
ACTA est peut-être déjà mort
Nous, citoyens, pouvons être fiers
Lors de l’atelier public sur ACTA, la semaine dernière, en présence du commissaire Karel de Gucht et modéré par l’eurodéputé Vital Moreira, président de la commission INTA1, la tension manifeste l’a clairement démontré : le Parlement et la Commission ont désormais peur des citoyens et de la rue. Nous avons assisté pendant cet atelier à une parodie de débat, où les orateurs étaient soit des membres de la Commission, soit des universitaires, soit faisaient partie des rares pro-ACTA restant (dont l’administrateur d’un lobby pro-ACTA2 ! Aucun représentant des groupes d’auteurs, d’artistes ou de citoyens n’a été invité, malgré la demande de La Quadrature du Net d’y participer. (...)
« Si le vote avait lieu maintenant, ACTA serait rejeté » Cette phrase a été entendue de nombreuses fois, en privé, dans les couloirs du Parlement européen, par des députés, assistants et membres du personnel de tous les groupes politiques. Pour beaucoup au Parlement, c’est un fait : ACTA est devenu un tel problème politique, a suscité une telle indignation de la part de la société civile, divise tellement le groupe politique majoritaire – le PPE, conservateur –, et le texte final est si ambigu qu’ACTA n’aurait aucune chance s’il était mis au vote dans les prochains mois. (...)
si ACTA devait de nouveau être soumis au vote, celui-ci pourrait avoir lieu peu avant les prochaines élections européennes, donnant aux citoyens une réelle occasion de peser sur la décision du Parlement.
Il est par conséquent extrêmement important que nous, citoyens, influencions chacune des étapes du « rapport intermédiaire ». (...)
Le rapport intermédiaire ne doit pas pouvoir être interprété autrement que comme un appel au rejet d’ACTA.
Dans tous les cas, cette modification du calendrier oblige les citoyens à adapter leur stratégie s’ils veulent protéger efficacement leurs libertés en ligne, ainsi que l’Internet libre, contre les attaques des industries du copyright. Nous ne devons pas rester les bras croisés en attendant l’éventuel retour d’ACTA pour un vote final au Parlement Européen.
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Ces 15 dernières années, la politique du droit d’auteur a été un échec cuisant parce qu’elle a refusé une évolution décisive : établir une distinction claire entre ce que les individus font sans intention de profit (notamment le partage d’œuvres numériques entre individus), et les infractions commerciales, avec but de profit, au droit d’auteur. Par conséquent, la politique du droit d’auteur s’est montrée faible et inefficace contre les infractions commerciales, et brutale envers les droits du public. Qui plus est, les ressources destinées à la création ont stagné, alors qu’elles auraient dû progresser parallèlement à l’explosion de la créativité dans l’environnement numérique. Un petit nombre d’intérêts privés nous a empêché de relever le défi de la culture numérique. (...)
À ce jour, ACTA est la tentative la plus impressionnante et dangereuse, car dès le départ, il a été conçu par les gouvernements pour contourner les processus démocratiques et les institutions internationales.De nombreuses autres initiatives sont en cours9 et devraient être considérées comme autant d’occasions pour les citoyens de s’exprimer. (...)
Nous avons une responsabilité historique, qui va au-delà d’ACTA et concerne notre façon de vivre, de travailler, d’apprendre, et de partager la culture. Collectivement, nous construisons, possédons et partageons l’Internet libre comme un bien commun, et l’utilisons pour tenter de rendre notre monde meilleur.
Alors célébrons nos victoires à venir, tout en continuant à travailler dur pour les rendre inéluctables !