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Une nouvelle « zone à défendre » aux pieds des Alpes pour sauver une forêt d’un projet immobilier touristique
Article mis en ligne le 29 janvier 2015

Voilà bientôt deux mois qu’une nouvelle zone à défendre se développe entre Grenoble et Lyon. Son objectif : empêcher l’édification d’un village artificiel, un Center Parcs, au cœur d’une zone humide. La justice a pour l’instant suspendu les travaux de construction. Une autre bataille se mène dans les bois et les champs alentour malgré le froid et la neige : installer des cabanes et des barricades pour entraver une éventuelle reprise du chantier. Et convaincre de l’inutilité du projet celles et ceux qui y sont favorables, séduits par les promesses de création d’emplois. Les premières idées de projets alternatifs commencent même à fleurir. Reportage.

Des barricades de branches jalonnent le chemin forestier. Le bruit des tronçonneuses et des pelleteuses a pris fin depuis le 4 décembre dernier, suite au barrage mis en place par les opposants au Center Parcs [1]. Les machines ont laissé derrière elles de larges ornières, des troncs d’arbres abattus et des souches de châtaigniers, sur une quarantaine d’hectares. Les préfabriqués qui servaient de base de vie aux ouvriers du groupe Pierre et Vacances témoignent d’un départ précipité. Le vrombissement des tronçonneuses s’est tu, remplacé par de plus discrets coups de marteaux. Là, nichées dans la forêt des Chambaran en Isère, des cabanes se construisent. « Sauvetage de forêt en cours » indique un panneau de chantier à l’entrée de la zone. Bienvenue dans la « Zone à défendre » de Roybon, troisième du nom après celle s’opposant à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes en Loire Atlantique et celle empêchant l’édification du barrage de Sivens dans le Tarn. La Zad de Roybon se situe à mi-chemin entre Lyon, Grenoble et Valence. (...)

Les tensions avec une partie de la population locale sont persistantes et les discussions difficiles. Dans le village, panneaux et banderoles favorables au Center Parcs sont visibles au coin des fenêtres ou dans les jardins. Hors des bois, on croit aux emplois promis et on espère une revitalisation économique de la région (lire notre enquête qui nuance les données sur ce sujet). « J’aimerais proposer quelque chose de plus aux habitants, souligne Léo. On commence à discuter entre nous de projets comme des aires d’accrobranches ou un village d’artistes. » « On peut envisager une vie économique pour Roybon sans toucher à cette forêt », appuie Rémi, apiculteur à quelques kilomètres venu en soutien. « Mais en attendant, nous allons continuer à occuper le terrain pour s’assurer que la loi va être respectée. » La décision du tribunal administratif de Grenoble le 23 décembre, s’appuyant sur la Loi sur l’eau, a conduit de facto à la suspension des travaux. (...)

En dehors de la Zad, la bataille judiciaire se poursuit. Le jugement sur le fond des différents recours devrait avoir lieu d’ici l’été. Bertrand, qui visite régulièrement les « zadistes », fait partie de l’association « Pour les Chambaran Sans Center Parcs » (PCSCP). Gaspillage d’argent public, « orientation manifeste » du débat public, manipulation des chiffres en matière de création d’emplois ou d’hectares de forêts impactés... La liste de ses griefs à l’encontre du projet est longue. (...)

L’enjeu : faire reconnaître par le juge des référés l’urgence de stopper l’autorisation préfectorale de destruction des espèces protégées. (...)

Au quotidien, la solidarité qui émane de la zad est saisissante. Chaque jour, que la météo soit clémente ou non, des personnes arrivent avec des sacs à dos chargés de victuailles, de matériel de construction, de bricolage... Colette, militante écologiste, a fait deux heures de routes pour leur apporter des vivres. Après s’être réchauffée autour d’une tasse de thé dans la MaquiZAD, elle promet de revenir avec du matériel. D’autres personnes traversent la zad chargés de matelas ou de bombonnes d’eau potable, en vue de les apporter à l’autre bout de la forêt. « Il faut compter une bonne demie-heure pour traverser la zone, alors on évite de le faire les mains vides », explique un couple croisé sur le chemin. (...)

Au sein de la Zad, l’autogestion est le fil conducteur. « Notre projet alternatif ? Nous sommes dedans depuis début décembre, sourit Nils. Certains bossent dans l’associatif, d’autres dans la construction bois, il y a des artistes en tout genre, des gars de la permaculture, des connaisseurs en plantes... Ensemble on crée un mode de vie avec des savoirs faire multiples que l’on rend accessibles ». Il en est convaincu : « Un gamin apprendrait beaucoup plus ici en une semaine qu’en une année à l’école ! », pense-t-il. (...)

Début janvier, Anouchka relate l’irruption d’individus, dans une cabane à l’entrée de la zad, armés de lacrymos et de bâtons. Ils n’ont pu être identifié. « Il y a trois jours, la cabane a été sabotée et les câbles coupés », confie un autre occupant. Sur les réseaux sociaux, un groupe Facebook de soutien au projet de Center Parcs à Roybon multiplie les appels à violence à l’encontre des zadistes. Dans la zone à défendre, les occupants restent soudés et appellent du 7 au 9 février prochain à venir construire des cabanes et des barricades.