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Une lame de fond anti-Frères Musulmans secoue la Tunisie
Tunis, le 31 août 2013 Fathi CHAMKHI, membre de la direction du Front populaire.
Article mis en ligne le 19 septembre 2013

Depuis plus d’un mois, en Tunisie, c’est le branle-bas de combat dans tous les camps, sur fond de tensions politiques, économiques et sociales de plus en plus graves ! Le détonateur de la crise politique actuelle fut l’assassinat, le 25 juillet, de Mohamed Brahmi, député à l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), leader du parti ‘Courant populaire’ |1| et membre de la direction du Front Populaire |2|. Puis, la tension grimpa d’un cran après que huit militaires eurent été sauvagement tués, 4 jours après, dans une embuscade au mont Chaambi |3|.

Un bras de fer a lieu actuellement entre :
 d’un côté la coalition gouvernementale (Troïka), dominée par le parti islamiste Ennahdha |4|, et qui dispose de la majorité à l’l’Assemblée nationale constituante (ANC) |5| ;
 de l’autre, le Front du Salut National |6| (FSN).

Plus de deux ans et demi après l’insurrection révolutionnaire, qui a chassé Ben Ali du pouvoir, dont près de deux ans de gouvernement islamiste, tous les voyants sont au rouge : les classes laborieuses subissent de plein fouet les effets de la crise, la jeunesse a le sentiment d’avoir été ‘le dindon de la farce’, tandis que des patrons menacent de mettre les clefs sous la porte.

La Tunisie va mal ! Les islamistes seraient-ils les seuls responsables de la situation actuelle ? Leur départ du pouvoir, serait-il suffisant pour ‘corriger le cours de la révolution’ ?

Les islamistes à l’épreuve du pouvoir

La victoire des islamistes aux élections de l’ANC d’octobre 2011 ne fut une surprise pour personne. Leur absence remarquée lors de l’insurrection révolutionnaire n’a pas affaibli leur audience auprès de larges couches de la population, à cause de leur discours religieux rassurant, de leurs actions caritatives dans les quartiers populaires |7|, de leurs promesses de combattre la corruption et de moraliser la vie politique.

Il y a aussi l’absence d’une force progressiste, voire révolutionnaire, capable de faire contrepoids à l’influence des islamistes. Seule, l’organisation syndicale (UGTT) était en mesure de combattre les illusions que les classes laborieuses avaient nourries par rapport aux promesses de vie meilleure d’Ennahdha, et d’agir comme catalyseur du processus révolutionnaire. La direction de l’UGTT était plutôt occupée par la recherche d’un consensus politique large, qui devait hâter le retour de la stabilité. L’objectif étant, avant tout, de rassurer les investisseurs étrangers et les tours opérateurs européens, afin d’éviter les fermetures d’usines et la chute de l’activité touristique, toutes deux grandes pourvoyeuses d’emplois en Tunisie.

Les élections n’ont pas eu pour seule conséquence de donner le pouvoir aux islamistes, elles ont été aussi l’outil qui a permis la neutralisation des masses, en tant qu’acteurs directs du changement social en Tunisie, et le transfert de leur pouvoir politique à l’ANC qui l’a transmis, à son tour, au gouvernement de la Troïka. (...)

La coalition au pouvoir, dominée par les islamistes, contrairement à ses engagements électoraux, et à tous ses beaux discours, a été le nouveau chien de garde des intérêts néocoloniaux en Tunisie. Les islamistes ont tenté de camoufler leur traîtrise, en cherchant à diaboliser les organisations et les activistes révolutionnaires, en criminalisant les mouvements sociaux et revendicatifs, en déviant les débats, des problèmes économiques et sociaux, vers des questions identitaires et en encourageant la formation de groupes religieux fanatiques et violents.

La manœuvre des islamistes a tenu la route au cours de leur première année de pouvoir. Mais, la dégradation de la situation économique et sociale et la violence politique des groupes et milices islamistes, ont fini par retourner l’opinion publique contre eux. (...)

Le mouvement de contestation actuel est en train de les acculer au pied du mur. La volonté de les chasser du pouvoir gagne rapidement du terrain.

Contrairement à Ennahdha qui a mieux résisté au cours de sa première année de pouvoir, les deux autres partis de la Troïka, qui ont servi de faire-valoir aux islamistes, ont été érodés de façon rapide. Aujourd’hui, ils sont des coquilles vides qui s’accrochent au pouvoir comme des teignes. Les islamistes d’Ennahdha semblent avoir mieux résisté. Hâter le départ de cette bande du pouvoir aura, sans aucun doute, des effets bénéfiques sur le processus révolutionnaire, à condition, bien entendu, de rester extrêmement vigilant (...)

C’est là tout le problème de la révolution tunisienne ! Les forces impérialistes, à travers leurs serviteurs locaux, anciens et nouveaux, ont réussi jusqu’à présent à ‘contenir’ le processus révolutionnaire, dans les limites d’une réforme politique du pouvoir. Alors que, dans le même temps, elles tentent d’approfondir et d’élargir les restructurations capitalistes néolibérales et de renforcer la main mise néocoloniale sur le pays. (...)