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France culture
Une histoire des catastrophes culturelles (2/4) Que détruit-on quand on détruit une ville ?
Nicolas Detry et Vincent Veschambre, De l’urbicide à la réparation. Le cas de la bibliothèque de Sarajevo, Revue Urbanité#5, 2015.
Article mis en ligne le 6 octobre 2018
dernière modification le 4 octobre 2018

Le concept d’urbicide désigne l’anéantissement total d’une ville. Le terme est devenu courant à la fin des années 1990, notamment après que Bogdan Bogdanovic, architecte et ancien maire de Belgrade, l’a employé à propos de Sarajevo, de Vukovar ou de Mostar. Mais que détruit l’urbicide ?

(...) Qu’est-ce qu’un urbicide ?
Pour répondre à cette question, Emmanuel Laurentin s’entretient avec Philippe Chassaigne, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Bordeaux-Montaigne, Nicolas Detry, maître de conférences à l’Université de Clermont-Ferrand et architecte, spécialiste en restauration de sites et monuments historiques et Brent Patterson, historien de l’architecture et des formes urbaines, enseignant à l’Ecole d’architecture Paris-Malaquais.(...)

Nicolas Detry Dans toutes les guerres, les belligérants tentent d’effacer les monuments, les œuvres d’art, les musées de l’ennemi. Mais tenter d’effacer les traces ne produit pas l’oubli. On court même le risque d’aiguiser le souvenir de la chose détruite. C’est ce que j’appelle la "perte retrouvée" : on tente en détruisant ces monuments d’effacer toutes ces traces mais elles ne disparaissent pas. (...)

Philippe Chassaigne : Si l’on s’en tient à une définition étroite, l’urbicide est la volonté de détruire matériellement mais aussi culturellement une ville pour ce qu’elle représente : le fait qu’elle est le lieu des savoirs, de leur circulation, son cosmopolitisme, etc. Mais lorsque les Allemands détruisent 90% de la ville de Coventry en 1940 et que Churchill en réponse fait raser Dresde par des flottes de bombardiers, il s’agit avant tout de frapper l’option publique. Les Allemands espèrent désespérer les Britanniques et les amener à pousser Churchill à ouvrir des négociations de paix. Pour Dresde, c’est l’inverse : il s’agit de montrer aux peuple allemand que la supériorité technologique et aéronautique est du côté des Alliés et que le Reich n’en a plus pour longtemps.

On a vu à quel point la destruction de la cité antique de Palmyre en 2015 a déclenché une émotion à l’échelle internationale. Etait-ce la première fois qu’une catastrophe culturelle suscitait une mobilisation dépassant les frontières de la ville touchée ? (...)