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Attac 33
Une écume de bons sentiments lourde de menaces
Article mis en ligne le 4 février 2013

Les socialistes doivent probablement être reconnaissants aux homosexuels de leur permettre de renouer, par ces temps d’austérité militante, avec une certaine forme d’engagement. Quand il s’agit de défendre des réformes dites de société – et il n’est pas question ici d’opposer de façon factice « les réformes de société » aux autres types de réforme (et, d’ailleurs, toutes les réformes ne sont-elles pas des réformes de société ?) mais simplement de marquer une frustration - une certaine gauche défile volontiers dans la rue et organise des réunions « people » afin de susciter le débat. Confrontée à une droite arc-boutée sur ses valeurs, ses traditions et ses préjugés, la gauche retrouve pour quelque temps une unité de façade. Des manifestants de circonstance comme Manuel Valls ou Pierre Bergé s’engagent clairement en faveur de « l’égalité pour tous » et retrouvent à cette occasion des militants qui aimeraient pouvoir bénéficier d’un soutien aussi résolu et appuyé pour des causes qui ne leur paraissent pas moins importantes. Mais la gauche des beaux quartiers, la gauche des réseaux d’influence, la gauche médiatique ne puise pas toujours aux mêmes sources que les citoyens ordinaires les motivations de son engagement ; son indignation est sélective.

Car le volontarisme du gouvernement et la mobilisation des députés socialistes sur la question du mariage homosexuel tranchent avec leurs atermoiements et leurs renoncements dans tant d’autres domaines. (...)

Mais une loi juste et nécessaire peut aussi être lourde de menaces. Si comme le dit Noël Mamère « la gauche ne doit pas avoir la main tremblante quand il s’agit d’avancer vers une société plus juste » et peut évidemment se réjouir de voir reconnaître à la communauté homosexuelle le droit de se marier, elle doit néanmoins s’interroger sur la justesse, la pertinence de certaines revendications en attente, tapies dans l’ombre de la loi.

Comment, si l’on veut aussi se soucier des droits de l’enfant, ne pas questionner le droit à l’homoparentalité, comment ne pas s’interroger sur la PMA (Procréation Médicalement assistée), comment ne pas craindre la GPA (Gestation Pour Autrui) ?

Car cette loi comble un manque mais suscite et encourage également de nouvelles attentes, de nouveaux désirs qui, dans une société capitaliste, ne manqueront pas, en l’absence de régulation étatique forte, d’être attisés et comblés par le marché. Certains capitalistes « de gauche » tiennent d’ailleurs des propos particulièrement inquiétants mais aussi éclairants sur des dérives possibles. Pierre Bergé (1) a-t-il seulement conscience de l’outrance de ses déclarations : « Nous ne pouvons pas faire de distinction dans les droits, que ce soit la PMA, la GPA ou l’adoption. Moi je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? »

Ces propos sidérants soulignent la légitimité de certaines inquiétudes et la nécessité d’une vigilance critique à propos de la future loi sur la famille. Il semble nécessaire d’entamer aujourd’hui un large débat sur un processus en devenir et encore obscur pour la majorité des citoyens. (...)

Pour certains transformistes exaltés, la nature ne saurait jamais constituer un obstacle. L’homme est un démiurge. Ce qui est possible est obligatoirement permis. Le désir de l’homme – et en l’occurrence de l’homme adulte – doit être satisfait si les techniques le permettent, cela s’appelle « le progrès ».

Mais l’égalité signifie-t-elle l’abolition définitive des différences et des identités ? L’homme peut-il systématiquement s’affranchir de toute contrainte et transgresser des lois naturelles qui paraissaient immuables ? L’enfant ainsi que sa matrice maternelle sont en passe de devenir, si le législateur n’y prend garde, des objets de transaction et de commerce. (...)