
Le 20 octobre, les Islandais voteront pour adopter ou rejeter la nouvelle Constitution qu’ils préparent depuis deux ans
Le projet sur lequel les électeurs auront à se prononcer dans quelques jours a été conçu à l’écart de toutes les structures politiques conventionnelles, sous la supervision d’un conseil de vingt-cinq représentants de la société civile élus lors de scrutins ouverts. Et c’est en lançant une vaste consultation interactive sur Internet et les réseaux sociaux que l’Assemblée constituante a débuté ses travaux. Le procédé, inédit dans les annales de la construction démocratique, a été retenu en partie en raison de la piètre estime en laquelle la population tient sa classe politique, depuis que le pays a évité de justesse la faillite à l’automne 2008 (1). Un désaveu qui ne semble pas se démentir puisqu’un sondage révélait récemment que neuf Islandais sur dix n’accordent aucune confiance à leur Parlement.
Dans un tel contexte, le référendum n’a cessé de soulever la controverse et ses détracteurs sont nombreux. Dans le camp de la droite, le Parti de l’indépendance, qui domine la scène politique et le Parti du progrès, plus modeste, se sont farouchement opposés au projet dès ses prémices. Rien de vraiment surprenant : les deux formations ont largement bénéficié du système. (...)
La loi proposée aux suffrages vise à faire évoluer l’Etat islandais vers un parlementarisme rationalisé s’apparentant au modèle en vigueur au Canada, en Allemagne, en Italie, en Inde ou encore au Japon. Elle déclare en préambule : « Nous, peuple d’Islande, souhaitons créer une société juste offrant les mêmes opportunités à tous. Nos origines différentes sont une richesse commune, et ensemble nous sommes responsables de l’héritage des générations : la terre, l’histoire, la nature, la langue et la culture. L’Islande est un Etat libre et souverain, dont la liberté, l’égalité, la démocratie et les droits humains sont les piliers. » (...)
La réflexion s’est articulée autour des grands thèmes fondamentaux que sont la séparation et l’équilibre des pouvoirs, le renforcement des mécanismes de contrôle de l’Etat et la participation citoyenne. Ces préoccupations ont inspiré les différents articles sur la liberté d’informer, la liberté des médias, les nominations dans la fonction publique, l’indépendance des principales agences gouvernementales, et le rôle du président.
Le Conseil a aussi souhaité intégrer une dimension environnementale, en introduisant la notion de protection des ressources nationales, appliquée notamment à la pêche, la géothermie et l’industrie minière. (...)
En admettant qu’une majorité de votants approuve le projet de Constitution le 20 octobre, le texte devra encore être ratifié par le Parlement, ce qui, dans le contexte actuel, paraît probable. Cependant, de nombreux obstacles demeurent. Le Parti de l’indépendance fait campagne pour inciter les électeurs à rester chez eux dans l’espoir qu’une faible participation invalide le scrutin. Si, comme cela est pronostiqué, ce Parti devait revenir aux affaires après les élections du printemps 2013, il y a fort à parier qu’il trouverait de nouveaux moyens de saboter le projet, de manière directe ou en recourant à la Cour suprême. Le risque est grand en effet que son fonctionnement, fondé sur le clientélisme et le népotisme, ne soit totalement ébranlé par la séparation réelle des pouvoirs.
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