
À Paris, Puteaux et Lyon, des salariés d’Arc en Ciel, une grosse entreprise de nettoyage présente dans de nombreux sites publics, sont en grève. En creux, c’est le recours à la sous-traitance dans les gares, les universités ou les hôpitaux qui est mis en cause.
« Sous-traitance = maltraitance ». C’est le mot d’ordre choisi par le syndicat ouvrier CNT-Solidarité ouvrière (CNT-SO) pour soutenir la mobilisation d’agentes et agents d’entretien employé·es par l’entreprise Arc en Ciel. Ce mastodonte de la sous-traitance assure le nettoyage de nombreux sites publics, universités, gares ou hôpitaux. Il emploie environ 8 000 personnes et a déclaré en 2020 un bénéfice de plus de 2 millions d’euros, pour 24 millions de chiffre d’affaires.
Fait inédit, la grève a pris dans trois lieux différents. (...)
En creux, c’est l’externalisation à outrance des services publics qui se trouve dans le viseur du syndicat. La CNT-SO fustige le système de la sous-traitance « qui pressurise les salarié·es et réduit leurs droits au bénéfice de donneurs d’ordre publics qui fuient leurs responsabilités sociales ». (...)
« Des étudiants nous soutiennent, certains professeurs nous invitent en cours pour expliquer notre situation aux élèves : on est très heureux de la solidarité qui s’organise autour de nous », se réjouit Sivamohana Jothivadivel, agente de maîtrise fraîchement licenciée par Arc en Ciel. Il y a quelques semaines, elle supervisait encore les douze personnes employées par le sous-traitant pour nettoyer les salles de cours, les amphithéâtres et les toilettes de l’université. (...)
« Ces gens ne respectent rien, ni leurs salariés ni le Code du travail, fustige Benali, l’un des plus anciens travailleurs du site. Ils nous ont dit qu’ils allaient nous remplacer par des jeunes qui feront en deux heures ce que l’ont fait en quatre heures. » Il fait partie de la douzaine de salariés en grève illimitée, par solidarité avec la manageuse licenciée, mais aussi pour préserver leurs emplois, qu’ils sentent menacés.
Heures supplémentaires non payées, selon les salariés
Pas un jour de mobilisation ne passe sans que les agent·es d’entretien ne se rassemblent à Tolbiac. Pour la plupart immigré·es, n’ayant connu que des emplois du nettoyage, toutes et tous réclament aussi l’amélioration de leurs conditions de travail, et la déclaration de leurs arrêts maladie. (...)
Les agentes et agents d’entretien racontent encore comment la société a tenté de les dissuader d’arrêter le travail, au moyen de menaces et de mensonges. « Ils nous ont dit que si on faisait grève, on se retrouverait au chômage », témoignent certains. Plusieurs racontent la venue sur le site de Michael T., un responsable de l’entreprise. « Il m’a dit que Siva avait envoyé un courrier à la direction pour rapporter que je priais dans le vestiaire », explique un travailleur. Un mensonge qui serait destiné à « les diviser et casser la grève ». L’entreprise répond que ces allégations sont « mensongères », qu’aucun « signalement de cet ordre n’a été porté à la connaissance de la direction et aucune plainte n’a été déposée à l’encontre de Michael T. ». (...)
Les salarié·es rapportent enfin qu’Arc en Ciel embaucherait régulièrement du personnel sans contrat. (...)
Fin octobre 2022, l’entreprise a été condamnée pour les licenciements abusifs de cinq salariés sur un autre campus de l’université Paris 1. Selon un communiqué commun d’une dizaine d’organisations syndicales, la justice a par ailleurs établi que la société « est coutumière du fait de faire signer des contrats antidatés ». Ces récentes condamnations viennent en effet s’ajouter à 24 autres au cours des deux dernières années, pour licenciements abusifs et non-versement de cotisations notamment. Arc en Ciel minimise auprès de Mediapart ces condamnations, qui représentent selon elle « à peine 0,3 % de [ses] effectifs, ce qui est honorable, même s’il n’y a pas de quoi se réjouir ».
L’université tenue pour responsable
Les agent·es d’entretien de Tolbiac jugent également l’université responsable de fermer les yeux sur leurs conditions d’emploi et sur les pratiques d’Arc en Ciel qui ont lieu au sein de l’établissement. (...)
Plusieurs salariés ont tenté d’alerter la direction de l’université, qui a fait savoir, après deux semaines de silence, qu’elle « ne saurait en aucun cas interférer dans les relations entre un employeur et ses personnels, ni prendre parti dans un conflit les opposant ». Trois jours plus tard et sous la pression des représentants étudiants, le conseil d’administration de l’université a finalement adopté une motion exigeant la fin de « toutes pratiques contraires au droit du travail ». (...)