
(...) une clé qui permet de comprendre comment l’obstination et le courage des amis tunisiens engagés de si longue date dans la lutte pour les droits de l’homme, totalement minoritaires, ont joué un rôle décisif dans l’embrasement de décembre en Tunisie : ce sont leurs « graines semées dans le désert » qui ont soudain germé lors d’une « pluie » inattendue, celle de l’implosion des contradictions internes d’une dictature pourrie de l’intérieur par la corruption et le mépris du peuple.
Ce témoignage inédit de l’opposant Moncef Marzouki a une portée universelle. Il est un formidable encouragement à toutes celles et tous ceux qui, partout dans le monde, se battent depuis des années contre l’oppression. Et dans l’indifférence générale des médias dominants, si spontanément accommodants avec tous les « garants de l’ordre ».
Des militants comme lui, ils sont beaucoup plus nombreux que l’on croit. Et leur combat n’est pas vain, contrairement au sentiment de découragement que peut trop souvent induire l’échec apparent de ceux qui luttent contre les dictatures apparemment inamovibles, car soutenues par les « puissants du monde ». (...)
Moncef Marzouki, mai 2010.-
« J’ai deux techniques pour rester positif psychologiquement. La première, c’est que je me dis que le temps géologique n’est pas le temps des civilisations, que le temps des civilisations n’est pas celui des régimes politiques et que le temps des régimes n’est pas celui des hommes. Il faut l’accepter. Si je m’engage dans le projet de transformer la Tunisie, vieille de quinze siècles, je ne vais pas la transformer en vingt ans. Je dois donc accepter les échéances de long terme. Et à partir de là, je ne me décourage pas, parce que mon horizon, ce n’est pas les six prochains mois ou la prochaine élection présidentielle : c’est celui des cent prochaines années - que je ne verrai pas, c’est évident.
« Et l’autre technique vient du fait que je suis un homme du Sud. Je viens du désert et j’ai vu mon grand-père semer dans le désert. Je ne sais pas si vous savez ce que c’est que de semer dans le désert. C’est semer sur une terre aride et ensuite vous attendez. Et si la pluie tombe, vous faites la récolte (...)