
Hors service, un agent de la DGSI a tiré sur Jean-Marie, 49 ans, qui ne représentait aucun danger. Les premiers éléments de l’enquête révèlent non seulement que ce policier a fait usage de son arme sans sommation et sans même décliner son identité. Mais de surcroît que la DGSI l’autorise à porter son arme en et hors service alors même qu’il est atteint depuis plusieurs années de troubles psychiques.
À Saint-Leu-La-Forêt (Val-d’Oise), le 15 novembre 2020, aux alentours de minuit, Jean-Marie, 49 ans, décide sur un coup de tête de retirer les fusibles d’un lampadaire dont la luminosité inonde son appartement. Une décision extravagante, prise après plusieurs verres d’alcool pour oublier l’hospitalisation de sa mère le jour même, et l’impossibilité de lui rendre visite compte tenu des mesures sanitaires en Belgique, où elle habite.
Agenouillé au pied du réverbère, muni de deux pinces, l’une dans la poche arrière de son pantalon, l’autre à la main, Jean-Marie s’échine, sans succès, à retirer les fusibles. C’est alors qu’un homme l’accoste et l’interroge sur ce qu’il fait. Se relevant, tout en prenant la gazeuse dont il ne se sépare plus depuis une agression, Jean-Marie grommelle quelques mots lorsque soudain, l’individu sort une arme et tire. Grièvement blessé à la jambe, Jean-Marie s’écroule. (...)
Un an après les faits et malgré différentes greffes, il n’a toujours pas retrouvé l’usage de sa jambe et risque l’amputation, compte tenu de l’importance des dommages provoqués par les éclats de la balle. Contacté par Mediapart, ce chaudronnier dans l’aéronautique ne comprend toujours pas comment « sa vie a pu aussi vite basculer. Je me suis pris une balle pour un lampadaire ». Cet ouvrier spécialisé reste encore « abattu par une telle violence. J’ai pensé que j’allais mourir ».
« Je ne voulais pas qu’il dégrade un lampadaire qui se trouve à côté de chez moi », a expliqué quant à lui l’auteur du tir auditionné par les enquêteurs dans le cadre de l’instruction ouverte pour violences volontaires avec arme ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) supérieure à huit jours.
Voilà qui pourrait constituer un aussi banal que sinistre fait divers. Mais il se trouve que cette déclaration confondante émane d’un policier des renseignements intérieurs. En effet, l’agresseur de Jean-Marie, Nicolas T., 29 ans, travaille pour la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Hors service, il a fait usage de son arme de façon absolument disproportionnée, sans même décliner son identité, ni sommation.
L’enquête menée par l’Inspection générale de la sécurité intérieure (IGSI), que Mediapart a pu consulter, révèle non seulement les mensonges du policier pour légitimer son tir mais dresse le portrait d’un agent souffrant de « syndrome post-traumatique » depuis plusieurs années, alors même que la DGSI continue de l’autoriser à porter une arme en service et en dehors.
Interrogée par Mediapart, la DGSI se dit « attentive au suivi de ses agents, notamment au plan psychologique » mais ne souhaite pas apporter davantage de précision quant aux modalités de contrôle des policiers autorisés à porter une arme. Via le cabinet du ministre de l’intérieur, la DGSI précise qu’une mesure disciplinaire est en cours à l’encontre de Nicolas T., qui continue d’exercer mais ne porte plus d’arme. (...)