Dans cet entretien, Mohammed Bahloul. économiste, analyste, directeur de l’IDRH d’Oran, décortique la problématique du chômage dans la région d’Afrique du Nord en rapport avec la structure sociale et économique qui caractérise les pays de cette région.
– Le taux de chômage en Afrique du Nord se situait à 9,9% en 2009 et à 9,8% en 2010, le plus élevé au monde, selon le dernier rapport de l’OIT publié fin janvier dernier. Les cas des femmes et des jeunes sont les plus alarmants avec des taux de chômage respectifs de 31,5% et de 23,6%.(...)
Ce type de chômage est le résultat direct d’un marché de l’emploi et du travail fortement déstructuré, rigide dans sa mobilité géographique et professionnelle et sans grand impact sur le coût salarial et la productivité des entreprises. Ce qui ne leur laisse presque aucune marge de manœuvre pour développer, à côté de l’Etat, des politiques actives de mobilisation du travail tournées vers la création de richesse et leur compétitivité.(...)
Même si on peut relever des différences (de degré et non de nature) d’un pays à un autre, le régime économique comme le modèle social qui le soutient sont devenus, au fur et à mesure de leur transformation sous l’effet d’un libéralisme prédateur, une véritable machine de fabrication du chômage, de la précarité et de toutes les perversions que l’on constate aujourd’hui. (...)
Au moins quatre groupes de facteurs structurels ont favorisé cette évolution. Les politiques d’ajustement structurel ont joué comme une forte vague de démantèlement des secteurs productifs, source de forts taux d’emploi et de salarisation comme l’industrie. En outre, le désengagement désordonné de l’Etat, les modes de libération des dynamiques concurrentielles, comme les formes de libération chaotique du commerce extérieur, se sont conjugués pour casser à la fois les espaces d’absorption de la demande additionnelle de travail et les mécanismes de régulation sociale qui les encadraient sans les remplacer.(...)
(les) hydrocarbures en Algérie, à titre d’illustration, (...) accaparent 30 à 45% des investissements et ne créent que 3 à 4% d’emplois. Le marché de l’emploi de ce type de secteur est, en tendance générale, un marché des compétences « internationalisé », fortement contrôlées et orientées par les modèles de GRH des grandes entreprises multinationales, comme celles des entreprises
nationales du secteur. Les Etats ont peu de prise sur lui.
(...)
Il faut peut-être observer que nous sommes bien entrés dans un cycle de fortes « turbulences institutionnelles » porté par une demande de changement profond qui cible l’ensemble du système social dans ses fondements, ses règles de fonctionnement comme dans sa finalité reproductrice. Le chômage est une des dimensions de la crise pour déchiffrer la nature des forces qui animent cette demande.(...)
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