
Il y a, chez le philosophe Jacques Rancière (1940), une pratique de l’écriture et de l’ordonnancement du livre tout à fait particulière. Bien sûr, elle "colle" à l’objet en question par sa manière de déployer des intrigues narratives par lesquelles faire sentir des textures d’expérience sensible. Mais ce n’est pas assez dire. Elle a aussi la vertu d’obliger le lecteur à s’attarder sur le propos, et à prendre le temps nécessaire pour la compréhension/critique de ce dernier. C’est sans doute pourquoi les ouvrages sont tantôt composés d’articles thématisés et rassemblés autour d’une question, tantôt d’interviews ou d’entretiens qui permettent d’introduire au vocabulaire de l’auteur ou à ses démarches avec plus de souplesse.
(...) De Rancière, chacun sait qu’il est un des philosophes majeurs du moment, pour autant que les questions formulées par lui interrogent nos pensées et nos sociétés en leur cœur, portant le fer au sein même des mésententes qu’elles tentent en permanence de dissimuler. Dès lors, la reprise de l’essentiel de ses analyses, ajustée à un public sans aucun doute plus large que celui des universités – un public qui n’est pas présupposé incapable, souligne Rancière -, offre aux lecteurs des points d’appui, des amers plus nombreux et plus stratégiquement agencés pour se construire à la fois comme lecteur de Rancière et comme penseur pour soi-même. (...)