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Le Monde Diplomatique
Un dialogue planétaire des cultures
Wu Weiming Directeur de l’Institut d’études supérieures humanistes, Université de Pékin, et professeur associé au Centre pour l’Asie de l’université Harvard.
Article mis en ligne le 19 janvier 2016

Aux formes agressives de l’anthropocentrisme doit succéder un humanisme spirituel fondé sur l’empathie et l’harmonie.

ourquoi se préoccuper d’écologie ? Parce que, pour le dire simplement, la viabilité de l’espèce humaine n’est plus assurée. L’humanisme spirituel comme nouvelle façon de penser, nouvelle cosmologie et nouvelle éthique ne pourrait-il pas fournir une réponse probante au risque de disparition prématurée qui pèse désormais sur nous ?

L’âge moderne se définissait par la primauté de l’humanisme séculier. Ce dernier est devenu si dominant qu’il a étouffé les discours religieux et idéologiques. En Chine, cela fait presque un siècle que la vie intellectuelle reste forclose dans un périmètre étroitement formé par le scientisme, le matérialisme et le rationalisme. Aujourd’hui encore, elle peine à s’affranchir de l’économisme et du consumérisme, si redoutables pour l’environnement. Un changement de fond est pourtant sur le point de s’opérer.

Nous avons désespérément besoin d’une remise en cause fondamentale des effets négatifs de la modernité, comme par exemple l’anthropocentrisme sous ses formes agressives et possessives. L’humanisme spirituel peut y aider en promouvant « l’unité du ciel et de l’humanité », dans un même respect du besoin de transcendance et des nécessités de la vie terrestre. Il n’est pas d’harmonie possible sans reconnaissance des différences.

L’émergence d’une conscience œcuménique et cosmopolite est un préalable à la formation d’une authentique culture de l’harmonie. (...)

Si nous voulons redéfinir la politique internationale, le moment est venu d’engager un dialogue planétaire au sujet des valeurs communes à toutes les religions et à toutes les cultures. Les valeurs universelles portées par la philosophie occidentale des Lumières — telles que la liberté, la rationalité, l’Etat de droit, les droits humains, la dignité de l’individu gagneraient à faire cause commune avec d’autres valeurs, tout aussi universelles mais inscrites dans des cultures différentes, qu’elles soient passées ou actuelles — telles que la justice, l’équité, la civilité, la responsabilité, la solidarité. L’humanisme spirituel met l’accent sur l’empathie, la compassion, la commisération. Il nous encourage à cet exercice spirituel d’importance vitale qui consiste à étendre notre capacité d’empathie à la vaste parenté qui relie l’humain et le non-humain. L’idéal, comme disait au XIe siècle déjà le penseur confucianiste Zhang Zai, est que « le ciel, la terre et toutes les choses dans le monde forment un seul corps ». (...)

« Le ciel, c’est mon père ; la terre, c’est ma mère, est-il dit dans l’Inscription de l’Ouest, le recueil de Zhang Zai. Et moi, être insignifiant, je trouve ma place au milieu d’eux. Ce qui remplit le ciel-terre fait corps avec moi, ce qui régit le ciel-terre participe de la même nature que moi. Tout homme est mon frère, tout être, mon compagnon. » (...)