Sur un drapeau blanc, le visage dessiné au marqueur de Guillaume T. flotte sur la place du Châtelet, à Paris. Il est 15 heures. Une centaine de personnes sont venues honorer la mémoire du jeune militant de gauche ayant mis fin à ses jours le 9 février 2021 après avoir pris la parole, sur les réseaux sociaux, pour dénoncer les violences sexuelles dont il s’estimait la victime.
« Nous sommes ici pour commémorer la perte d’un ami et d’un camarade », explique Adèle, militante à la Fédération syndicale étudiante (FSE) dont faisait partie Guillaume T. et co-organisatrice de la manifestation. La petite foule veut aussi obtenir « justice » : dans son viseur, le Parti communiste français (PCF), dont le jeune homme a été membre, ainsi que les deux personnes qu’il a accusées, et qui reste obstinément silencieux depuis un an.
Dans le sillage de #MeToo et de #MeTooInceste, ce témoignage déclenche alors la parole des milliers d’hommes gays ou bi, qui, les jours suivants, témoignent des violences sexuelles qu’ils ont subies sous le mot-clic #MeTooGay. Une visibilisation inédite de la surexposition des hommes gays et bi aux violences sexuelles.
Le jour même, le PCF, qui affiche de longue date sa volonté de lutter contre ces violences, annonce la mise en retrait de Maxime Cochard, qui est alors exclu du groupe communiste à la mairie de Paris, et de Victor Laby, du Parti communiste. Le lendemain, l’élu parisien se voit retirer sa délégation Égalité femmes-hommes et lutte contre les discriminations par la maire du XIVe arrondissement, Carine Petit.
L’intéressé dénonce lui « une accusation totalement fausse » et annonce porter plainte en diffamation. Le suicide de Guillaume T., le 9 février 2021, signe la fin de cette procédure.
Les jours suivants, le père du jeune homme dépose plainte contre X pour « violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Une procédure toujours en cours, selon l’avocate de la famille, Élodie Tuaillon-Hibon. Contacté, le parquet de Paris n’a pas donné suite à nos sollicitations. (...)
« Harcèlement sur les réseaux sociaux », « menaces politiques » : les militant·e·s proches de Guillaume décrivent au sein du PCF une situation particulièrement tendue. Dans un courrier que Mediapart a pu consulter, daté du 2 novembre 2021 et adressé à la direction parisienne du PCF, Catherine Chevalier et Anissa Ghaidi, les deux élues communistes qui, aux côtés de Maxime Cochard, siègent dans le XIVe arrondissement, menaçaient de rendre leur carte. L’origine de leur initiative ? Le retour de leur camarade au conseil municipal et une violente altercation entre les deux élues, Maxime Cochard et son compagnon le 21 septembre 2021. (...)
Les proches de Guillaume voient aussi dans la gestion politique de cette histoire tragique une des causes de l’émergence en demi-teinte du #MeTooGay. (...)