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Ukraine : « La très grande majorité des Ukrainiens ne veut pas de cette nouvelle guerre civile »
Article mis en ligne le 29 janvier 2014

(...) Depuis le démembrement de l’Union soviétique en 1991, l’Ukraine est passée de 51,4 à 45 millions d’habitants. Cette diminution s’explique par une baisse de la natalité, une augmentation de la mortalité due en partie au démantèlement des services de santé. L’émigration est très forte.

Alors que le chômage est officiellement de 8 % en Ukraine, une partie importante de la population vit en dessous du seuil de pauvreté : 25 %, selon le gouvernement, jusqu’à 80 % selon d’autres estimations. L’extrême pauvreté, accompagnée de sous-alimentation, est estimée entre 2 à 3 % jusqu’à 16 %. Le salaire moyen est de 332 dollars par mois, un des plus bas d’Europe. Les régions les plus pauvres sont les régions rurales à l’ouest. Les allocations de chômage sont faibles et limitées dans le temps.

Les problèmes les plus pressants sont accentués par les risques liés à la signature d’un traité de libre échange avec l’Union européenne et l’application des mesures préconisées par le FMI. Il y a ainsi la perspective de fermeture d’entreprises industrielles, surtout à l’Est, ou leur reprise-restructuration-démantèlement par les multinationales. En ce qui concerne les terres fertiles et l’agriculture, se pointe à l’horizon la ruine de la production locale qui est assurée actuellement par les petits paysans et les sociétés par action, héritières des kolkhozes et par l’arrivée en grand des multinationales de l’agro-alimentaire. L’achat massif des riches terres s’accélérera. Ainsi Landkom, un groupe britannique, a acheté 100 000 hectares (ha) et le hedge fund russe Renaissance a acheté 300 000 ha (Ce dernier chiffre correspond au cinquième des terres agricoles belges, NdlR).

Pour les multinationales, il y a donc de bons morceaux à prendre : certaines industries, les oléoducs et gazoducs, les terres fertiles, la main d’œuvre qualifiée. (...)

Les Ukrainiens – la jeunesse avant tout – rêvent de l’UE, de la liberté de voyager, des illusions de confort, de bons salaires, de prospérité, etc. Rêves sur lesquels les gouvernements occidentaux comptent. Mais, en réalité, il n’est pas question d’adhésion de l’Ukraine à l’UE. Il n’est pas question de libre circulation des personnes. L’UE proposent peu de choses, sinon le développement du libre échange, d’importation massive de produits occidentaux, d’imposition des standards européens dans les produits susceptibles d’êtres exportés vers l’UE, ce qui soulève de redoutables obstacles à l’exportation ukrainienne. La Russie, quant à elle – en cas d’accord avec l’UE – menace de fermer son marché aux produits ukrainiens. Moscou a offert des compensations telles que la baisse d’un tiers du prix du pétrole, une aide de 15 milliards de dollars, l’union douanière avec elle-même, le Kazakhstan, l’Arménie... Poutine a un projet euro-asiatique englobant la majeure partie de l’ancien espace soviétique (hormis les pays baltes) en renforçant les liens avec un projet de coopération industrielle avec l’Ukraine, en intégrant les technologies où l’Ukraine était performante du temps de l’URSS : aéronautique, satellites, armement, constructions navales, etc., en modernisant les complexes industriels. C’est évidemment l’est de l’Ukraine qui est plus intéressé à cette perspective. (...)

L’Ukraine est donc partagée – historiquement, culturellement, politiquement – entre l’Est et l’Ouest, et il n’y a aucun sens à dresser l’une contre l’autre, sauf à miser sur l’éclatement voire la guerre civile, ce qui est sans doute le calcul de certains. A force de pousser à la cassure, comme le font les Occidentaux et leurs petits soldats sur place, le moment pourrait bien venir où l’UE et l’OTAN obtiendront « leur morceau » mais où la Russie prendra le sien ! Ce ne serait pas le premier pays qu’on aurait fait délibérément exploser. Nul ne doit ignorer non plus que le choix européen serait également militaire : l’OTAN suivra et aussitôt se posera la question de la base russe de Sebastopol en Crimée, majoritairement russe et stratégiquement cruciale pour la présence militaire en Mer Noire. On peut imaginer que Moscou ne laissera pas s’installer une base américaine à cet endroit ! (...)

On parle de sympathiques jeunes « volontaires de l’autodéfense » venus de Lviv (Lwow, Lemberg) à Kiev, alors qu’il s’agit de commandos levés par l’extrême-droite dans cette région (Galicie), qui est son bastion. Lourde est la responsabilité de ceux – politiques, journalistes – qui jouent à ce jeu, à la faveur de courants xénophobes, russophobes, antisémites, racistes, célébrant la mémoire du collaborationnisme nazi et de la Waffen SS dont la Galicie (et non toute l’Ukraine !) fut la patrie.

Enfin, les médias passent sous silence les multiples réseaux financés par l’Ouest (États-Unis, UE, Allemagne) pour la déstabilisation du pays, les interventions directes de personnalités politiques occidentales. (...)

Mon étonnement grandit de jour en jour en constatant l’écart entre les « informations » délivrées par nos médias et celles que je peux collecter dans les médias ukrainiens et russes. Les violences néonazies, les agressions antisémites, les prises d’assaut des administrations régionales : dans nos grands médias, rien de tout cela ! On entend qu’un seul point de vue : les opposants de Maïdan (place de Kiev où les pro-européens se rassemblent, NdlR). Dans les médias, le reste de l’Ukraine n’existe pas ! (...)