
En réponse à un article paru en ligne sur le site de La Dépêche le 2 mai, et intitulé “Une étudiante de 22 ans violée en rentrant d’une soirée”, nous souhaitons réagir sur plusieurs points qui nous semblent choquants et inappropriés.
Cet article raconte, avec une profusion de détails, le déroulé d’une agression sexuelle d’un homme sur une femme. Tout d’abord, nous nous demandons quel est le but de cet article ; l’agression y est décrite avec une profusion de détails violents, qui touchent à l’intimité de la personne qui a été agressée.
Quel but cette description sert-elle ? Nous nous interrogeons sur la pertinence de publier un tel article, qui n’apporte que très peu d’information à la lectrice ou au lecteur, et relève plus, à notre avis, du fait divers, du voyeurisme et du sensationnalisme que de l’information.
Cet article décrit un viol qui s’est passé dans un contexte bien particulier : une agression de nuit, par un inconnu, sur une femme seule, qui rentrait chez elle après une fête. Pour être bien réelle, cette situation n’en est pas moins relativement rare dans les occurences de viol et de violences sexuelles.
L’enquête ENVEFF annonce que les viols sont perpétrés essentiellement par des conjoints, des compagnons, des maris, des collègues de travail, des hommes avec lesquels les femmes entretenaient ou avaient entretenu une relation plus ou moins longue dans les 12 derniers mois avant le viol. Au total, 85 % des viols sont commis dans un contexte où la victime connaît son agresseur, par exemple au sein de la famille (père, beau-père, oncle,…), de l’école ou du travail. Les agresseurs inconnus représentent 15 % des situations. Seulement 12% des viols sont commis sous la menace d’une arme, et seulement 35% des viols se passent en-dehors du domicile de la victime.
Le schéma stéréotypé du viol continue à être l’image fausse d’un inconnu psychopathe et armé qui agresse une femme seule, de nuit, dans un métro ou une rue sombre. Le fait que ce schéma (violence, incident isolé, personne armée) soit si répandu met dans l’ombre la majorité des situations de viol.
Le Planning Familial travaille auprès des personnes victimes d’agressions sexuelles et sait bien à quel point il est difficile de reconnaitre un viol par un de ses proches quand les médias véhiculent constamment l’idée qu’une agression se passerait forcément la nuit par un inconnu.
Il importe de poser clairement les limites et les insuffisances de ce scénario. En France, une femme est violée toutes les 8 minutes ; plus de 75000 viols sont commis par an (Enquête CSF). La majorité de ces viols est commis par l’entourage de la victime.
Les viols ne sont donc pas des incidents isolés, commis par des inconnus dérangés. Ils sont un phénomène de masse, un phénomène de société, dans tous les milieux sociaux, dans toutes les villes, et dont les victimes sont à 99% des femmes, et les auteurs, des hommes.
Les viols sont la conséquence d’un système de domination qui opprime les femmes, qui les assimile à des objets, et qui les fait apparaître comme disponibles pour que les hommes assouvissent leurs “besoins” sexuels soit-disant irrépressibles, sans se préoccuper de leur consentement. Le viol est une manifestation de la domination masculine, une façon de dominer et d’humilier les femmes.
Nous trouvons à ce titre important de souligner le manque de neutralité de La Dépêche, qui relaie donc un évènement bien spécifique sans jamais parler de la plus grande majorité des viols, et sans jamais questionner le système qui provoque et cautionne ces viols.
Nous trouvons de plus particulièrement choquante la conclusion de l’article, qui recommande aux femmes d’éviter l’espace public la nuit si elles ne souhaitent pas être violées : “Régulièrement, à Toulouse, des jeunes filles sont victimes d’agressions sexuelles la nuit. Il leur est conseillé d’éviter de se promener toutes seules.”
Il est scandaleux de lire de tels propos. (...)