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Tribune Réforme de la justice des mineurs : "Toujours plus de répression et toujours moins d’éducation", dénoncent 200 personnalités liées à la protection de la jeunesse
Article mis en ligne le 1er décembre 2020

Plus de 200 personnalités, professionnels de l’enfance, membres d’organisations syndicales de magistrats, travailleurs sociaux et avocats appellent "les parlementaires à ne pas céder à ce simulacre de débat démocratique et à s’opposer au vote" du projet de loi qui réforme la justice des mineurs, dans une tribune publiée par franceinfo, mardi 1er décembre.

Les signataires appellent à "replacer la protection de nos enfants (...) au centre des enjeux". Cela fait deux ans qu’elles expriment leurs "préoccupations" sur ce projet de loi rédigé "sans réelle consultation" selon elles. Ce Code de la justice pénale des mineurs (CJPM), porté par le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, est censé entrer en vigueur le 31 mars 2021. Les signataires réclament "un projet plus ambitieux" et concerté, pour un code "non pas seulement de la justice pénale des mineur.e.s, mais de l’enfance". (...)

Depuis maintenant plus de deux ans, nous exprimons nos préoccupations concernant le projet de Code de justice pénale des mineurs, élaboré sans réelle consultation des professionnels de l’enfance, des organisations syndicales de magistrat.e.s, travailleuses et travailleurs sociaux et avocat.e.s, et surtout sans réel débat démocratique, le choix étonnant de légiférer par ordonnance, qui plus est en ayant recours à la procédure accélérée, ayant été fait.

Aujourd’hui, ce texte sera examiné au pas de course par le Parlement, contraint par un agenda extrêmement serré, à partir du 1er décembre. Il est ainsi envisagé de faire entrer en vigueur cette réforme moins de trois mois après son examen par le Parlement, sans tenir compte de la réorganisation conséquente qu’elle impose pour l’ensemble des professionnels intervenant en matière de délinquance des mineurs. Le branle-bas de combat est tel que le ministère s’apprête à saisir le Conseil d’État sur la partie réglementaire, avant le vote de la partie législative, ne faisant même plus semblant de penser que le Parlement pourrait intervenir sur le fond de cette réforme.

En plus de la forme, le fond de ce projet de code questionne et n’apparaît motivé que par des impératifs gestionnaires, le but étant finalement de faire "plus vite", sans s’en donner les moyens, au détriment de la qualité de l’accompagnement éducatif. In fine l’efficacité de la réponse apportée aux passages à l’acte délinquants est laissée de côté. (...)

les passages à l’acte délinquants de certains enfants sont souvent la conséquence de carences bien en amont dans leur prise en charge au pénal, faute de services de prévention et de protection de l’enfance suffisamment solides et nombreux.

Sans tenir compte de ces constats ni en tirer les enseignements nécessaires, le gouvernement préfère dessiner un projet centré sur l’accélération de la réponse pénale, au détriment du temps éducatif. Bien loin de revenir aux fondamentaux de l’ordonnance du 2 février 1945, maintes fois dénaturés, ce projet ne fait que conforter un progressif abandon de la spécificité de la réponse devant être apportée aux enfants, par rapport aux adultes, vers toujours plus de répression et toujours moins d’éducation.

La crise sanitaire que nous traversons depuis mars 2020 est venue exacerber toutes ces difficultés déjà criantes. Partout, les services de la protection de l’enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse peinent à fonctionner dans des conditions sanitaires protectrices pour toutes et tous, professionnels comme usagers, et se trouvent de fait soit fortement ralentis, soit surchargés pour rattraper le retard pris pendant les confinements, au détriment de l’accompagnement éducatif des enfants. Les lieux d’hébergement, qu’ils relèvent de la protection de l’enfance ou de la protection judiciaire de la jeunesse, sont tout autant en difficulté pour fonctionner. (...)

Il est évident désormais – même si ce constat aurait dû être fait bien plus tôt par les décideurs publics – que les priorités sont ailleurs et vouloir maintenir coûte que coûte une telle réforme du droit pénal des enfants ne fera qu’aggraver toutes les difficultés précédemment signalées. Tout l’enjeu est actuellement de permettre aux différents acteurs de la justice des enfants de pouvoir reprendre leur activité habituelle et rattraper le retard, sans augmenter le risque sanitaire, ce qui est déjà une gageure, et dans le respect des droits des justiciables.

Il apparaît impensable d’ajouter à cette tâche colossale la mise en œuvre d’une réforme qui est en outre loin de faire l’unanimité chez les professionnels. (...)