Les médecins étrangers non-européens sont un maillon essentiel de l’hôpital public, notamment en cas de crise sanitaire. Ils assument les mêmes missions que les médecins français tout en percevant le salaire d’un interne. Et doivent faire face à un long parcours pour arriver à être inscrit à l’Ordre des médecins.
Faire le travail de médecin sans être reconnu comme tel
Une autre « hypocrisie » dénoncée par Rayan : la loi limite à deux ans la durée maximum des contrats des stagiaires associés (six mois renouvelables trois fois). Mais le médecin étranger qui arrive au terme des deux ans peut obtenir une dérogation. Il lui suffit pour cela de changer d’hôpital pour repartir sur un nouveau cycle de deux ans. Il peut rester dans cette situation de nombreuses années. Ce système permet ainsi à l’hôpital public de faire appel en continu à des médecins étrangers sous-payés par rapport à leur collègues, donc de réaliser de substantielles économies budgétaires tout en palliant le manque de médecins hospitaliers. (...)
Mal payés, mal logés, et sur un siège éjectable
Pour ces médecins étrangers, au travail précaire s’ajoutent les difficultés de titres de séjour. Le contrat de médecin stagiaire associé a une durée initiale de six mois. Le titre de séjour des médecins doit donc lui être renouvelé tous les six mois, sans aucune procédure simplifiée pour ces professionnels dont l’hôpital public ne peut pourtant pas se passer. (...)
Le faible salaire de ces médecins ne leur permet souvent pas de louer un véritable appartement, puisque les propriétaires demandent en général un salaire s’élevant à trois fois le montant du loyer. Des hôpitaux mettent donc à disposition des médecins étrangers de petites chambres gratuites, dans des foyers ou des résidences pour les internes. En cas de contrat non renouvelé, ils se retrouvent sans toit.
Mal payés, mal logés, elles et ils sont surtout sur un siège éjectable. « Ils nous recrutent parce qu’ils n’ont pas d’autre choix. Mon directeur médical le répète à chaque réunion : “Si un médecin français se présente à moi, il sera pris et vous ne serez pas renouvelée. Si quelqu’un déjà ’inscrit au conseil de l’Ordre se présente, je le prends” », rapporte Amal, psychiatre algérienne dans une clinique de la région parisienne. (...)
« Tous les moyens sont bons pour nous payer moins cher »
Pour améliorer leur situation, ces médecins doivent obtenir le statut de praticien attaché associé, en passant par une procédure dite « d’autorisation d’exercer ». Celle-ci englobe plusieurs étapes, la principale est un concours, par spécialité. Les places sont chères. L’année passée, en radiologie, il y avait 75 places pour 500 postulants. Il ne suffit donc pas d’obtenir une bonne note, il faut être dans les premiers du classement. Les médecins étrangers exerçant dans les hôpitaux ont moins de temps et d’énergie pour réviser, donc mécaniquement moins de chance de le réussir. (...)
Depuis le milieu des années 2000, des décrets sont venus améliorer certaines injustices administratives, mais de manière temporaire. Un texte prévoyait d’accorder le statut de praticien attaché à des médecins étrangers sous certaines conditions, comme le nombre d’heures d’exercice validées. C’est grâce à cette mesure qu’Amel, la psychiatre algérienne, a pu décrocher son autorisation d’exercer. Puis, en 2016, la procédure dérogatoire a été abandonnée… Le Syndicat national des praticiens à diplôme hors Union européenne (SNPADHUE) vient d’en obtenir la réouverture. (...)
Les délais s’étendent aussi sur de longs mois pour décrocher son inscription à l’ordre des médecins, le sésame pour enfin être payé au même niveau que les médecins français et européens. Pour cela, il faut, suite à la réussite au concours, exercer deux ans comme praticien attaché puis déposer un dossier auprès de son Agence régionale de santé (ARS). La réponse peut prendre un an et demi. (...)
En plus, l’accord de l’ARS n’est pas automatique. La réponse peut être négative. « Tous les moyens sont bons pour nous payer moins cher », résume la psychiatre algérienne.