
À 18 ans seulement, le jeune néerlandais Boyan Slat avait une idée en tête : il allait nettoyer les mers et cours d’eau des montagnes de déchets que l’humain y déversait sans précaution depuis trop longtemps. Il créait alors The Ocean Cleanup et promettait que l’ONG débarasserait 90% des ordures traînant en surface de la baille terrestre d’ici 2040.
Exemple-type de l’information feel good (un jeune réifié, une idée positive, une éclaircie dans un avenir sombre), l’histoire de The Ocean Cleanup a depuis trusté les gros titres des médias internationaux, regonflé d’espoir nombre de personnes désespérées par la décharge qu’elles créaient par ailleurs, montré que ses solutions techniques pouvaient effectivement contribuer au mieux global.
Au passage, l’organisation basée à Rotterdam et composée de scientifiques ou d’ingénieurs gonflait jusqu’à salarier plus de 200 personnes, raflant pour ce faire de copieux financements auprès de divers fonds et industriels, ravis de faire appel aux plastiques récupérés pour greenwasher à peu de frais leurs productions.
Dernier épisode en date : l’annonce en fanfare, reprise partout dans le monde sans grande précaution ni filtre, que l’ONG s’attaquait au « Great Pacific Garbage Patch », également nommé « gyre de déchets, soupe plastique, sixième ou septième continent, vortex d’ordures ou encore grande zone d’ordures du Pacifique Nord » nous rappelle Wikipedia, situé entre la Californie et Hawaï.
Pour ce faire, The Ocean Cleanup présentait son invention miraculeuse, fruit des brillants esprits animant l’organisation, financé à coups de millions de dollars. Nommé Jenny, elle consiste, pour résumer, en deux navires traînant un grand filet à vitesse lente à la surface de l’océan, dans lequel viennent s’échouer nos indésirables poubelles, et qu’il suffit ensuite de refermer pour l’envoyer au recyclage. (...)
Lors de ce test, l’ONG explique avoir extrait du Pacifique plus de 9 tonnes de déchets, et prouvé que sa solution technique propriétaire (la pêche au filet, donc) était capable, si elle était correctement financée, de nettoyer l’ensemble de la zone.
C’est sans doute vrai. C’est aussi très fallacieux, comme l’ont expliqué quelques médias et journalistes, à l’image de la piquante Molly Taft dans Gizmodo par exemple. Comme d’autres, elle explique en substance que Jenny n’a à peu près rien de nouveau.
En outre, promettre de nettoyer les océans comme le fait The Ocean Cleanup revient à expliquer à l’humanité qu’elle peut continuer à produire et jeter ses plastiques. Au passage, l’attention et les fonds qu’attire l’ONG ne servent pas à d’autres missions, réellement pérennes celles-ci, consistant à éduquer l’humanité au désastre de sa gabegie plastique et à lui trouver de vraies solutions, définitives celles-ci.
En somme, et si l’utilité de sa mission finale est difficilement contestable, The Ocean Cleanup est une sorte de méthadone pour la pollution humaine, une erreur de priorité : il est estimé que 11 millions de tonnes de plastique pénètrent les mers chaque année. Un chiffre qui pourrait croître à 29 millions d’ici 2040 : il faudra beaucoup, beaucoup de Jenny pour venir à bout de ce flux infini.
Par ailleurs, et comme certains experts notamment, Gizomodo explique que le grand filet lancé à la mer par The Ocean Cleanup, long de 100 mètres, ne se déplace pas par magie : il est traîné par deux bateaux Maersk, dont l’empreinte carbone est loin d’être négligeable et pour laquelle l’organisation cherche des compensations. Paradoxalement, le coup écologique et final du grand nettoyage pourrait donc être exorbitant. (...)
En outre, le système de The Ocean Cleanup ne récupère que des déchets proches de la surface : c’est, selon certains scientifiques, un trentième seulement de ce qui traîne plus profondément, là où les filets de Jenny ne peuvent rien.
En surface en revanche, ceux-ci n’épargnent pas la vie marine, notamment de précieux et parfois rares micro-organismes, ce qui ne manque pas d’inquiéter d’autres experts. Bref, The Ocean Cleanup, ça marche très vaguement, et c’est complètement con.