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Tempête à l’INRA autour d’un rapport sur l’agriculture biologique
Article mis en ligne le 17 février 2014

Plus de cent chercheurs en agronomie ont envoyé une lettre à la direction de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA). Dans cette lettre, révélée par Reporterre, les chercheurs vilipendent le parti pris non scientifique d’une étude critiquant l’agriculture biologique. Face à cette bronca exceptionnelle, la direction de l’Institut agronomique se réfugie dans le silence.

Ils sont agronomes, géographes, économistes, sociologues, généticiens ou encore chercheurs en cancérologie. Ils travaillent dans des écoles d’agronomie, des universités ou des instituts reconnus de la recherche française, tels que le CNRS (Centre national de la recherche scientifique), l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) et l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale).

Ce matin, ils sont cent seize chercheurs à avoir signé en leur nom propre une longue lettre adressée au PDG de l’INRA. Reporterre a pu se la procurer : elle demande le retrait de ce qui était présenté comme une grande synthèse scientifique de l’institut sur l’agriculture biologique. Une copie a même été adressée au ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll. (...)

la critique s’est propagée dans toute la communauté des chercheurs en agronomie et a conduit, en quelques mois, à cette lettre adressée par le collectif de scientifiques à l’INRA vient ajouter une réponse académique. "De nombreux éléments constituant ce rapport le rendent très critiquable", affirme le courrier.

"Ce rapport jouit de la légitimité scientifique de l’INRA, il sera repris et cité dans beaucoup de travaux scientifiques. Ce serait grave qu’il reste comme cela, sans débat au sein de la communauté des chercheurs. C’est pour cela qu’on demande de le retirer", explique sous couvert d’anonymat l’un des rédacteurs de la missive.

Indice que l’affaire est grave, de nombreux chercheurs et ingénieurs employés par l’INRA ont accepté de mettre leur nom en bas de la lettre. "Ce n’est pas évident de remettre en cause une production de son propre institut", remarque un autre signataire. (...)

Point par point, chapitre par chapitre, le groupe de savants a donc entrepris d’identifier les faiblesses scientifiques de ce rapport. Au final, il est décortiqué en dix pages très denses (...)

Le rapport de l’INRA propose d’autoriser les pesticides chimiques dans l’agriculture bio (...)

Le malaise provoqué par ce document ajoute à l’embarras permanent de certains chercheurs, qui déplorent la faiblesse des moyens attribués à la recherche en bio. Selon le communiqué du syndicat, "le constat du faible investissement de l’INRA dans ce domaine de recherche (moins de 100 équivalents temps plein sur plus de 7 500 titulaires) avait été posé dans le livre blanc de l’INRA sur l’agriculture biologique en 2000".

Un manque d’investissement que relève aussi le journaliste Vincent Tardieu dans son livre-enquête sur l’agroécologie en France (Vive l’agro-révolution française !, ed. Belin, 2012) : "l’investissement de la recherche française en agriculture biologique ressemble à une mise ’pour voir’ d’un joueur de poker."

"L’INRA est historiquement au service du productivisme agricole, poursuit-on chez SUD Recherche. Mais d’habitude cette opinion est exposée de façon plus subtile, plus nuancée... Là on a un point de vue très orienté."

Cela pourrait s’expliquer par la forme scientifique prise par ce rapport. Il s’agit, dans la classification de l’INRA, d’une "étude". "Elle ne nécessite aucune règle particulière en terme de révision par les pairs ou de discussion collective", déplore l’un des scientifiques ayant signé le courrier à l’INRA.

C’est pourquoi en plus du retrait du rapport, dans leur lettre, les scientifiques demandent également à l’INRA une "expertise scientifique collective", qui garantit que l’analyse est confiée à un "collectif pluridisciplinaire d’experts".

Après l’envoi de cette lettre fin décembre, des discussions ont été entamées entre ce collectif de chercheurs et la direction de l’INRA, qui pour l’instant ne s’est pas engagé à répondre aux demandes des scientifiques. Contactée par Reporterre, elle n’a pour l’instant pas souhaité réagir.