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Libération
TÉMOIGNAGE Revenu de base : « Maintenant, je peux vraiment établir un projet de vie »
Article mis en ligne le 2 janvier 2018
dernière modification le 1er janvier 2018

Brigitte et Denis font partie des trois personnes tirées au sort par l’association Mon revenu de base pour recevoir 1 000 euros par mois pendant un an. Ils reviennent sur cette initiative.

(...) Brigitte est l’une d’eux. Elle a 53 ans et vit en Bretagne chez son compagnon. Vendeuse en maroquinerie, elle a un CDI de 28 heures par semaine : « Je n’ai pas pu trouver un contrat avec plus d’heures. » Avant, Brigitte habitait dans le nord de la France. Mais elle n’avait plus d’emploi : « Je n’ai jamais pu en retrouver. » Sans attache, elle décide alors de se rapprocher de sa fille, qui vit en Bretagne. « Je ne roule pas sur l’or. Je gagne entre 920 et 930 euros, plus la prime d’activité tous les trois mois, soit environ 108 euros en plus. » La première fois que Brigitte entend parler de l’expérimentation du revenu de base, c’est en écoutant France Bleu (...)

L’heureuse lauréate ne va pas pour autant changer de mode de vie. « Je ne suis pas du genre à m’acheter plein de choses. Je ne voyage jamais. » Brigitte préfère mettre de côté les 1 000 euros versés chaque début de mois pendant un an par l’association Mon revenu de base, en cas d’imprévus : « Si jamais j’ai besoin d’aider ma fille ou si ma voiture tombe en panne. » Quand on lui demande si elle pense à l’après - quand elle ne touchera plus cette aide - Brigitte répond : « Je vais me réinscrire à cette loterie. Mais je sais bien que l’on ne peut pas gagner deux fois. »

Autre lauréat, Denis, la trentaine, vit seul à la campagne, en Nouvelle-Aquitaine, depuis 2009. Charpentier depuis ses 16 ans, il vient cette année-là réparer des toitures dévastées par la tempête Klaus. Il y a un an et demi, il a dû s’arrêter de travailler pour des « soucis de santé » liés à son activité : « J’ai un peu trop forcé. » Denis s’est inscrit à Pôle Emploi et vit désormais des 545 euros par mois du RSA. « Je suis tombé dans un gouffre . Les temps sont durs. Avec les gens dans la même situation que moi, nous avons des fins de mois difficiles. » Il porte « un jean et des baskets tous les deux troués », en précisant qu’il ne s’agit pas d’une mode. « Quand on est pauvre, on n’attire plus personne, confie-t-il. Une fois mon loyer et les charges payés, il ne me reste que 180 euros pour tout le reste. Je ne peux pas m’acheter d’habits. »

Au sujet de Pôle Emploi, « il faut être très patient pour avoir une formation. On a parfois l’impression de parler à un ordinateur plutôt qu’à un conseiller ». (...)

Se déplacer a un coût. « Je n’ai pas les moyens d’aller travailler. Il faut de l’argent pour aller en gagner. A un moment donné, c’est le serpent qui se mord la queue. On peut vite tomber très bas. »

Il explique se sentir « complètement bloqué sur place » à la campagne, sans argent pour aller vivre ailleurs. Des courriers d’huissiers, Denis en a reçu. (...)

Denis regarde beaucoup les informations, notamment les JT. C’est par ce biais qu’il a entendu parler pour la première fois du revenu de base défendu par Benoît Hamon lors de l’élection présidentielle. Puis de l’expérimentation citoyenne proposée par l’association Mon revenu de base. « Je suis curieux, je m’intéresse aux problèmes sociaux et j’attache de l’importance aux innovations. Je me suis inscrit sans vraiment croire que c’était possible de gagner. » Il ajoute : « Etant au RSA, je me rends compte que le système actuel ne va pas. Je ne sais pas si les personnes aux plus hautes fonctions se rendent compte de ce qu’elles font. »

Le 6 décembre, lors du tirage, le numéro de Denis sort gagnant. 1 000 euros par mois pendant douze mois. « Mon revenu de base » lui envoie un mail pour lui annoncer la nouvelle. Denis n’aura accès à sa boîte mail que trois jours avant la fin du délai imparti pour répondre et justifier de son identité auprès de l’association. Son portable « bas de gamme » l’avait « lâché ». « J’ai répondu au dernier moment après trois relances ! » Lorsqu’il découvre qu’il a gagné, Denis reste « cloué. Je n’ai pas l’habitude d’avoir un choix de vie ». Même si cela ne va « tout solutionner, c’est un peu la fête pour quelqu’un qui est dans ma situation. 1 000 euros, ça représente beaucoup pour quelqu’un qui n’a plus d’argent à partir du 15 du mois ». Comme un second souffle. « Je peux vraiment établir un projet de vie. Je n’aurai plus d’embûches, plus de paperasse à remplir pour demander des aides. » Pour sa première dépense, Denis va consulter un ostéopathe pour soulager ses douleurs et s’acheter un jean et des baskets : « Pour aller parler à des patrons de manière plus décente, c’est vraiment une nécessité. »