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le monde diplomatique
T’es un « jaune » !
Marcel Durand, « Peugeot la colère. Grève de l’automne 1989 », dans Grain de sable sous le capot, Agone, Marseille, 2006
Article mis en ligne le 8 décembre 2019

Le jaune fluorescent est devenu le symbole de la révolte des « invisibles ». Ironique retournement de l’histoire pour cette couleur que le mouvement ouvrier associe aux briseurs de grève.

Qu’est-ce qui fait que t’es fayot au lieu d’être un gars de caractère ? Les circonstances, le contexte. Quand tu n’as plus d’idéal, tu te recroquevilles dans le sens du vent, dans le sens du chef.

Sur la chaîne, des ouvriers se sont attaché une pancarte « Intérimaire ». D’autres ont tracé le mot-sésame à la craie à même le bleu de travail. Tout le monde sait qu’un intérimaire ne peut pas faire grève. Ce serait la porte illico. Mais la plupart des pancartés sont de faux intérimaires. Pas de bol pour eux, les grévistes qui défilent le long de la chaîne les repèrent : « Hé, Daniel ! depuis quand que t’es intérimaire ? Ça fait dix ans que je te vois sur la même presse à l’Embout. »

Ils viennent de mécanique, tôlerie, câblerie, de Bart, Vesoul, Poissy.

Les grévistes scandent : « L’Em-bout, barrez-vous ! Bart, barre-toi ! »

Par la suite, la maîtrise place ces « jaunes » dans des secteurs plus discrets, moins visités par les hordes des casseurs. La CGT s’en mêle. Elle porte plainte auprès de l’inspecteur du travail. Peugeot louvoie en collant le statut de « personnel prêté » aux casseurs de grève venus d’autres ateliers. (...)