Les dernières révélations sur la façon dont l’institut marseillais et son directeur s’affranchissent des règles communes en matière d’essais cliniques confirment la nécessité d’une nouvelle gouvernance
. Didier Raoult a surgi dans l’arène médiatique en février 2020, à la faveur d’une vidéo qu’on ne peut qualifier de prémonitoire : « Coronavirus : fin de partie ! » Le microbiologiste, directeur de l’institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille, y estimait qu’un antipaludéen mettrait rapidement fin à la pandémie naissante. Il n’a pas cessé, depuis lors, de défendre un protocole de son cru, dont aucune étude sérieuse n’a pu démontrer l’intérêt.
Didier Raoult a publiquement professé sa détestation de la « méthode » admise pour prouver l’efficacité et l’innocuité de nouveaux traitements, fondée sur des essais cliniques rigoureux. Il apparaît, à la lumière de révélations récentes de Mediapart et de L’Express, mais aussi d’examens de ses publications par la spécialiste de l’intégrité scientifique Elisabeth Bik et par des contributeurs anonymes sur le site PubPeer, que le chercheur n’a pas fait que théoriser son rejet de la règle commune : son institut s’en est semble-t-il affranchi à plusieurs reprises, passant outre les réserves de l’Agence nationale de sécurité du médicament.
La justice est saisie, et l’on peut espérer que toute la lumière sera faite sur ces pratiques qui, si elles étaient avérées, seraient contraires à l’éthique et à la déontologie les plus élémentaires. S’en affranchir, c’est retomber dans la médecine du XIXe siècle, quand l’intuition d’un médecin à partir d’observations sur une poignée de patients pouvait conduire au recours à des molécules inopérantes, voire délétères pour les malades. (...)
Figure du populisme scientifique
La mise au jour du « système Raoult » doit aussi amener à se pencher sur ce qui l’a fait roi sur la Canebière. S’il a pu imposer la création de son institut, c’est en partie parce qu’il apportait des millions d’euros à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), par le biais d’un mécanisme qui récompense pécuniairement les hôpitaux à hauteur du nombre de leurs publications. Pour partie grâce à des journaux scientifiques où il disposait de relais, Didier Raoult a ainsi pu devenir un champion du nombre d’articles dont la quantité n’avait pas pour égale la qualité. (...)