
A la surprise générale, les oppositions ont réussi à repousser en première lecture à l’Assemblée nationale le projet du gouvernement de mettre cet institut d’expertise sous la tutelle du gendarme du nucléaire, l’ASN.
Une véritable claque pour l’exécutif et une victoire surprise pour les opposants, très nombreux, à la réforme brutale de la sûreté nucléaire voulue par le gouvernement qui prévoyait la disparition de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et le transfert de ses équipes et missions au sein de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Réunis ce mercredi pour voter le projet de loi d’accélération nucléaire qui contenait deux amendements gouvernementaux visant à supprimer l’IRSN, les députés ont finalement adopté un amendement de réécriture présenté par le député Liot (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), Benjamin Saint-Huile, et d’autres collègues visant au contraire à sanctuariser cet organisme d’expertise jugé essentiel pour le contrôle des installations nucléaires du pays.
Contre l’avis du gouvernement, la gauche et les écologistes renforcés par des parlementaires de tous horizons sont parvenus à faire adopter cet amendement qui stipule que « la sécurité nucléaire repose sur une organisation duale composée de l’ASN et de l’IRSN ». Organisation qui « garantit l’indépendance entre d’une part les activités de contrôle de la sûreté nucléaire […] et d’autre part les missions d’expertise et de recherche de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et des activités nucléaires ». L’adoption de cet amendement réécrit complètement le passage de la loi qui prévoyait la disparition de l’IRSN.
Le gouvernement sourd aux mises en garde et protestations
Jusqu’au bout, le gouvernement aura pourtant tenté de pousser son projet (...)
Le gouvernement n’aura écouté ni les avertissements de scientifiques et experts comme Yves Marignac et Cédric Villani, ou de l’ancienne ministre Corinne Lepage, dans les colonnes de Libé notamment. Ni les protestations et manifestations répétées des quelque 1700 ingénieurs et techniciens de l’IRSN concernés. Ni la mise en garde plus feutrée du directeur général actuel de l‘Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) (...)
Mais le fait du prince n’a pas été du goût de tous les députés, y compris à droite et dans les rangs de la majorité macroniste de plus en plus relative. Et pour cause. Cette réforme subite et brutale de l’organisation de la sûreté nucléaire française avait été décrétée il y a tout juste un mois à l’issue d’un conseil de politique nucléaire présidé par Emmanuel Macron. (...)
Elle aurait abouti à la disparition d’un organisme créé en 2001 pour expertiser les sites nucléaires français en toute indépendance et permettre au gendarme du nucléaire, l’ASN, de rendre des avis en toute connaissance de cause.
Séparation entre expertise et décision (...)
si dans l’esprit du gouvernement la relance du nucléaire est la fin justifiant les moyens, l’excellence de la sûreté à la française s’appuie justement sur la séparation entre l’expertise (l’IRSN) et la décision (l’ASN). Et les députés n’ont pas souhaité déstabiliser ce modèle reconnu dans le monde entier, au moment où EDF vient de confirmer l’existence de nouvelles fissures « non négligeables » sur ses réacteurs les plus récents, à Penly précisément et Cattenom (Moselle). Un nouvel épisode d’une série d’avanies techniques liées à des problèmes de soudures, des phénomènes de « corrosion sous contrainte » ou de « fatigue thermique » qui ont conduit à la mise à l’arrêt de près de la moitié du parc nucléaire français cet hiver. (...)