Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Le Monde
Sur les traces de Mohamed Kamel, Ahmed Belhireche et Fayçal Hamrouche, les trois migrants algériens morts sur des rails au Pays basque
Article mis en ligne le 21 décembre 2021

Le drame s’est produit le 12 octobre quand un TER a percuté quatre migrants. Un rescapé et la famille de deux des victimes ont décidé de porter plainte contre X.

Une sonnerie sourde annonce le passage d’un train. A Oum Drou, les habitants vivent au rythme du chemin de fer qui traverse leur commune située à dix kilomètres de la ville de Chlef, dans l’ouest algérien. Ici, les rails sont à quelques mètres des habitations et les enfants ont l’habitude de les longer ou de les traverser pour se rendre à l’école. Alors pour Zohra, la quarantaine, il est impensable que son fils, Mohamed Kamel, se soit endormi sciemment sur une ligne ferroviaire.

Ce jeune Algérien de 21 ans est mort, mardi 12 octobre, à des milliers de kilomètres de chez lui après un long périple qui l’a mené de l’Algérie au Pays basque. Le drame s’est joué à Ciboure (Pyrénées-Atlantiques), vers 5 heures du matin, quand un TER en provenance d’Hendaye a percuté quatre migrants algériens qui étaient allongés sur les rails. Trois d’entre eux sont décédés, tandis que Mourad (le prénom a été modifié), 28 ans, a survécu à de graves blessures à la tête, au bassin et à la jambe. « Il se trouve actuellement en maison de santé dans le sud-ouest de la France et se remet difficilement à marcher », indique Marie Cosnay, écrivaine, très engagée dans l’accueil des migrants et qui a participé à l’identification des corps.

Le rescapé, originaire de la wilaya de Boumerdès, à l’est d’Alger, a déposé une plainte contre X le 6 décembre auprès du procureur de la République de Bayonne pour « homicide involontaire », « mise en danger de la vie d’autrui », « blessure involontaire » et « administration de substances nuisibles ». Les proches de Mohamed Kamel et de Fayçal Hamrouche, une autre victime, ont décidé de se joindre à la procédure. Tous veulent comprendre ce qui a pu se passer cette nuit-là. (...)

« Il n’avait jamais parlé d’émigrer. C’est seulement à son arrivée qu’il nous a appelés en nous demandant de le pardonner d’être parti », souffle Zohra, la mère de Mohamed Kamel. Le jeune homme, qui avait quitté l’école à 15 ans, travaillait par-ci par-là et vivait dans la maison familiale où cohabitent plusieurs générations. Son père, agriculteur, fait défiler quelques photos sur son téléphone. Sur l’une d’elles, on voit Mohamed sur un scooter : il l’avait vendu pour payer son voyage, apprendront plus tard ses parents. (...)

Quelques heures avant de passer la frontière franco-espagnole, il avait fait la connaissance d’Ahmed Belhireche, une autre victime de 41 ans, qui avait, lui aussi, embarqué des côtes de Ténès, ville du littoral algérien située au nord de Chlef. « Son embarcation est tombée en panne, ils sont restés trois jours en pleine mer puis ont été secourus par les gardes-côtes espagnols », explique Jabria, sa veuve. Son mari lui avait fait part de son projet un mois avant son départ, en août. Elle a bien tenté de le dissuader mais « c’est la misère » qui l’a poussé à partir, assure-t-elle. (...)