
De l’Allemagne à la Belgique, en passant par l’Espagne et le Royaume-Uni, Mediapart prend le pouls de la contestation sociale en Europe. Aux avant-postes du pouvoir d’achat, les organisations traditionnelles voisinent avec des mouvements plus spontanés.
De l’Allemagne à la Belgique, en passant par l’Espagne et le Royaume-Uni, Mediapart prend le pouls de la contestation sociale en Europe. Aux avant-postes du pouvoir d’achat, les organisations traditionnelles voisinent avec des mouvements plus spontanés. (...)
La première journée de mobilisation contre la réforme des retraites, jeudi 19 janvier, a été un succès pour des syndicats français qui ont fait preuve d’unité. Ailleurs en Europe, des centrales syndicales, qu’on disait mal en point il y a peu, sont aux avant-postes pour défendre le pouvoir d’achat. Tour d’horizon dans quatre pays, où les stratégies et résultats varient.
En Belgique, des mobilisations de longue date sur les salaires (...)
Dans le royaume, la bataille sociale reste dominée par les grandes centrales syndicales, qui ont organisé plusieurs journées de manifestations en 2022, et même une grève générale en novembre, au nom de la défense du pouvoir d’achat. « La question du blocage salarial reste au cœur des mobilisations, décrit le chercheur Bruno Bauraind, spécialiste des questions sociales. (...)
À ce stade, les syndicats n’ont pas obtenu gain de cause, la « coalition Vivaldi » au pouvoir fédéral à Bruxelles ayant préféré verser des primes à tel ou tel secteur, plutôt que de rouvrir des négociations collectives.
Au-delà de ces mobilisations très médiatisées, dans un pays où le taux de syndicalisation dépasse 50 %, des initiatives plus modestes ont vu le jour. Reprenant le modèle britannique de Don’t Pay UK, des activistes ont proposé aux ménages belges, avec un succès plutôt confidentiel, de refuser de payer leurs factures. Du côté de Charleroi, des grèves à répétition chez Ryanair compliquent l’activité de la compagnie depuis plus d’un an. Mais rien de spectaculaire n’a émergé (...)
Une hausse des salaires en Allemagne, victoire pour les syndicats
L’actualité sociale allemande a été dominée par la conclusion d’un accord de branche entre le syndicat IG Metall et le patronat, pour une hausse de 8,5 % des salaires des 3,9 millions d’employé·es de l’électrométallurgie. (...)
cette avancée devait faire tache d’huile et servir de référence pour d’autres branches d’activité qui négocient à l’heure actuelle. (...)
Pour Olivier Giraud, directeur de recherche au CNRS (Lise), cette victoire des syndicats s’inscrit dans une logique de « rééquilibrage ». (...)
Cette hausse des salaires, poursuit Olivier Giraud, s’explique aussi par « des pénuries de main-d’œuvre dans des régions où l’industrie est innovante et performante à l’exportation, ce qui fait que les entreprises n’ont pas intérêt à être dans le moins-disant en matière de rémunérations ». Des PME qui avaient quitté le système des négociations collectives par branches y sont ainsi revenues récemment. (...)
Au Royaume-Uni, un embrasement historique et de nouveaux visages
La mobilisation est partie en juin 2022 d’une grève des cheminots, et s’est élargie à d’autres secteurs, des infirmières aux postiers, en passant par les ambulanciers. Mi-janvier, ce fut au tour d’enseignant·es d’Angleterre et du pays de Galles de se joindre à la contestation pour des hausses de salaires, en annonçant sept journées de grève en février et mars.
Ces mouvements, qui constituent la plus grosse vague de grèves qu’ait connue le Royaume-Uni depuis 1972, sont d’autant plus surprenants, par leur ampleur, que « nous assistions jusqu’à peu à une baisse quasi continue de la conflictualité sociale » (...)
L’inflation provoquée par la guerre en Ukraine mais aussi les politiques menées par une droite à bout de souffle, au pouvoir depuis douze ans, nourrissent une contestation particulièrement intense. À cela s’ajoute le renouvellement des dirigeant·es de nombreuses centrales syndicales, souvent des femmes (...)
L’« exception » espagnole
Si la droite espagnole mobilise dans la rue, contre le gouvernement de gauche, à l’approche des élections législatives prévues en fin d’année, les mouvements sociaux en défense du pouvoir d’achat sont, à ce stade, plus contenus. En partie parce que les syndicats majoritaires jugent qu’ils peuvent compter sur des alliés au pouvoir. (...)
L’exécutif du socialiste Pedro Sánchez a réformé le Code du travail pour annuler des pans d’une réforme portée par la droite, et le taux de signatures de contrats à durée indéterminée a grimpé depuis un an. La coalition PSOE-Podemos a aussi cherché à freiner l’impact de l’inflation, en négociant une « exception ibérique » sur l’énergie à Bruxelles, en revalorisant les retraites (+ 8,5 % en 2023) ou en supprimant la TVA sur les produits de base de l’alimentation. Des mesures plutôt limitées, mais qui ont eu le mérite, à court terme, de faire ralentir l’inflation (à 5,8 % en décembre, le taux le plus faible de l’UE).
Comme ailleurs sur le continent, les syndicats bataillent surtout pour des hausses de salaires. (...)
L’exécutif du socialiste Pedro Sánchez a réformé le Code du travail pour annuler des pans d’une réforme portée par la droite, et le taux de signatures de contrats à durée indéterminée a grimpé depuis un an. La coalition PSOE-Podemos a aussi cherché à freiner l’impact de l’inflation, en négociant une « exception ibérique » sur l’énergie à Bruxelles, en revalorisant les retraites (+ 8,5 % en 2023) ou en supprimant la TVA sur les produits de base de l’alimentation. Des mesures plutôt limitées, mais qui ont eu le mérite, à court terme, de faire ralentir l’inflation (à 5,8 % en décembre, le taux le plus faible de l’UE).
Comme ailleurs sur le continent, les syndicats bataillent surtout pour des hausses de salaires. (...)
Dans ce pays où les négociations sectorielles sur les conditions de travail et les salaires se déroulent souvent au niveau régional, des conflits locaux restent vifs. (...)
Sur le front des retraites, la situation, là encore, est en décalage avec la France. Dès 2011, le socialiste José Luis Rodríguez Zapatero avait proposé, sous la pression des marchés financiers, de reculer l’âge légal de départ à la retraite de 65 à 67 ans, et d’allonger le nombre d’années à partir desquelles calculer le montant de la retraite.
En 2013, la droite revenue au pouvoir proposait d’appliquer et de durcir un peu plus ce texte. Mais cette réforme a été en partie contrée par une mobilisation des retraité·es surgie… cinq ans plus tard, en 2018, en défense de « retraites dignes ». La réforme des retraites est toujours à l’agenda de l’actuel gouvernement, source de frictions entre le PSOE et Unidas Podemos, mais il est peu probable qu’elle aboutisse avant les législatives de 2023.