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Les eaux glacees du calcul egoiste
Sur l’accaparement des terres et la poursuite de la libéralisation commerciale des produits agricoles, par Olivier De Schutter
Article mis en ligne le 19 novembre 2011
dernière modification le 15 novembre 2011

Partie intégrante du Forum Social Africain et du Forum Social Mondial, le Forum des Peuples se réunit chaque année en contrepoint au Sommet du G8. Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation, Professeur à la Faculté de Droit de l’UCL et au Collège d’Europe, Olivier de Schutter a adressé le message ci-après aux participants du 10ème Forum des peuples qui s’est tenu à Niono au Mali du 31 octobre au 3 novembre dernier.

(...) « La première question est celle des accaparements de terres. Le rythme de ces accaparements progresse rapidement, et il prend dans plusieurs pays des proportions inquiétantes. Nous connaissons tous les raisons de cette ruée vers l’or vert. Les marchés internationaux sont devenus plus volatils et moins fiables, et les acheteurs de produits agricoles, firmes privées ou gouvernements, veulent assurer un approvisionnement stable. La demande d’agrocarburants progresse, en Europe comme aux Etats-Unis et dans d’autres régions, et c’est un des facteurs majeurs accélérant l’accaparement de terres. Enfin, tout ceci nourrit la spéculation sur les terres (...)

au sein du comité de la sécurité alimentaire mondiale à Rome, nous sommes en train de finaliser la négociation de Directives volontaire sur la gouvernance responsable des régimes fonciers applicables aux terres, aux pêches et aux forêts, afin de fournir aux gouvernements certains repères et afin de clarifier les attentes que nous avons à leur égard : qu’ils respectent les droits des utilisateurs des terres. Ces directives volontaires, lorsqu’elles seront adoptées, sans doute au début de l’année prochaine, seront importantes : négociées par toutes les parties prenantes — gouvernements, agences internationales et société civile —, elles ne pourront pas être facilement ignorées. Je plaide pour que ces directives volontaires fassent l’objet d’un suivi robuste
(...)

ces directives volontaires ne suffiront pas. Il faut aussi qu’au niveau régional, les Etats se mettent ensemble et définissent les limites à ne pas franchir. Le droit à l’alimentation notamment doit être intégralement respecté.
(...)

il faut refuser l’alternative qui nous est parfois présentée : soit vous acceptez les investissements à large échelle dans l’agriculture, soit vous vous privez de tout investissement dans l’agriculture. Non. Les investissements sont nécessaires. Il faut améliorer l’accès des petits agriculteurs au crédit, aux intrants, et à l’information. Il faut améliorer les moyens de stockage et de communication, et donc l’accès aux marchés. Mais tous ces investissements, en amont et en aval de la production, ne doivent pas affecter les droits à la terre (...)

Il ne s’agit pas de négliger l’agriculture, car il faut la soutenir. Mais on ne la soutient pas en détruisant la paysannerie des pays en développement. Il faut que les gouvernements comprennent qu’il est dans leur intérêt de favoriser la relance de l’agriculture familiale, et si l’on investit dans l’agriculture, c’est à cela que les investissements peuvent et doivent servir.
(...)

nous sommes nombreux à penser que l’agriculture n’est pas un secteur comme les autres. Pour beaucoup de pays en développement, il fait encore vivre une grande majorité de la population. Or cette agriculture est fragile : elle a souvent été négligée par les gouvernements, en même temps qu’elle a dû subir la concurrence des exportateurs des pays riches, infiniment plus soutenus, notamment par des subsides importants. Le choc de la concurrence risque de lui être fatale si elle n’a pas les moyens de se protéger.
(...)
avant la conclusion d’un accord de libre-échange, il est essentiel d’étudier les impacts sur les droits de l’homme des différents groupes au sein de la population concernée : après, il risque d’être trop tard. C’est le motif pour lequel je présenterai dans les semaines qui viennent un ensemble de principes directeurs sur études d’impact des accords de commerce et d’investissement, destiné à fournir aux gouvernements, mais aussi aux parlements nationaux et aux ONG, une méthodologie précise permettant une meilleure surveillance des négociations internationales. (...)

Le droit à l’alimentation peut constituer un outil d’analyse puissant des impacts de la libéralisation commerciale. Il met l’accent sur les inégalités, et non seulement sur les gains d’efficience. Il s’intéresse aux groupes les plus vulnérables, et non uniquement aux valeurs agrégées. Il conduit à interroger si les évolutions qu’amène le développement du commerce international sont durables, ou bien si elles augmentent la vulnérabilité aux chocs des pays qui misent tout sur lui. Enfin, surtout, le droit à l’alimentation insiste sur la réappropriation démocratique d’un processus de décision trop souvent confisqué par une élite étroite (...)

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