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Suite à un reportage TV, des contrôles annoncés pour les éducateurs et les familles d’accueil.
#EnfantsPlacés. #ProtectiondelEnfance #ASE
Article mis en ligne le 19 octobre 2022
dernière modification le 18 octobre 2022

Nos politiques sont incorrigibles ! Il suffit d’une émission de télévision pour leur faire prendre des décisions dont on ne sait si elles seront suivies d’effets. Il y a pourtant tant à faire quand on sait dans quelles difficultés travaillent les services de protection de l’enfance. Plutôt que de chercher des solutions face à une crise sans précédent dans le secteur, la secrétaire d’État à l’enfance, prise en défaut comme si elle était responsable d’un dysfonctionnement, applique des rustines qui ne règlent rien sur le fond.

Ainsi, Charlotte Caubel s’est exprimée dans le magazine « Zone interdite » de M6, à l’issue d’un reportage édifiant consacré aux défaillances de l’Aide sociale à l’enfance. Cette simple phrase en exergue d’un article de France Info mérite que l’on s’y arrête. Il n’y a pas une aide sociale à l’enfance, mais des aides sociales à l’enfance : une par Département. Ce qui se passe dans un Département ne vaut pas pour un autre, même s’il y a des pratiques partagées. Ainsi, si une aide à l’enfance dysfonctionne (ce qui n’est pas étonnant vu le contexte), toutes les aides à l’enfance sont alors discréditées et sont marquées du sceau de l’infamie.

Deuxième élément : le reportage est considéré comme édifiant. Même si ce qui est dénoncé est grave, cela veut-il dire que la présentation de faits veut là aussi dire que c’est partout pareil ? un fait devient édifiant et même signifiant quand on souhaite qu’il le devienne. Sinon, il me semble que seule des études statistiques et des enquêtes de terrain sur l’ensemble du territoire nous apportent des informations édifiantes.

Une réaction salutaire

Réagissant à la suite de cette émission, François Sauvadet le président de l’Association des Départements de France (ADF) ne s’est pas trompé. « Nous avons assisté hier dans l’émission Zone interdite (M6) à des comportements inacceptables », écrit-il. « Leurs auteurs devront être sévèrement sanctionnés ». Mais il a aussitôt ajouté que « Quelques cas particuliers défaillants ne représentent pas l’ensemble des actions mises en œuvre avec dévouement par les professionnels de l’enfance et par les Départements ».

« Les enfants à la charge de l’ASE sont tous dans des situations extrêmement complexes. Leurs profils sont très divers : enfants délaissés, abusés, battus, mineurs délinquants, mineurs non accompagnés… La grande majorité est polytraumatisée ». Tout cela pour tenter d’expliquer combien la tâche des professionnel(le)s de l’ASE est devenue au fil des ans de plus en plus ardue avec des multiples risques. « La protection de l’enfance est l’affaire de tous. Arrêtons les invectives. Traitons les difficultés ! » conclut le président de l’ADF (...)

Un recrutement « choquant »

Dans cette émission, deux journalistes ont filmé en caméra cachée leur embauche en tant que famille d’accueil sans le moindre contrôle des services de l’ASE sur leurs antécédents, ni même sur leur identité. Charlotte Caubel, se déclare « choquée » par ces « dysfonctionnements ». « Cette situation ne peut plus exister », a-t-elle précisé.

À votre avis, pourquoi certains (pas tous) services de l’ASE en arrivent à de telles extrémités ? Il ne faut à aucun moment les excuser, car ce n’est pas excusable, mais Charlotte Caubel ne sait-elle pas que les services sont confrontés à une grave pénurie de moyens et que cela a des conséquences sur le fonctionnement des services ? Cela ne concerne pas seulement les éducateurs, mais aussi les assistantes familiales qui ne veulent plus s’engager et engager leurs familles en accueillant des enfants susceptibles de mettre à mal leur vie familiale au point de la perturber durablement. Cela concerne aussi les services administratifs spécialisés qui demandent une réelle compétence. Un secrétariat d’aide sociale à l’enfance ne s’improvise pas. Il y a énormément de procédures à respecter et à gérer.

Du coup, certains recrutements se font, comme pour le reste, « à l’arrache » car il faut vite trouver une solution pour les enfants. Il n’est donc pas surprenant que des problèmes surviennent. (...)

Rappelons à cette occasion que l’ASE ne gère pas les embauches, elle contribue aux recrutements. Ce sont plus logiquement les services RH des Départements qui interviennent sur les aspects administratifs liés à l’arrivée d’un nouvel agent. En outre, les assistantes familiales doivent être agréées. Il n’y a pas si longtemps, les investigations pour ce type d’agrément étaient assez poussées et n’importe qui ne pouvait pas obtenir le sésame permettant d’accueillir un enfant chez soi. Il me semble (soyons prudent) que c’est toujours le cas.

Mais il y a aussi quelque chose qui a évolué. Avec les logiciels « métiers » il est de plus en plus demandé aux cadres des services sociaux d’assurer certaines fonctions RH sans pour autant que ces professionnels aient été correctement formés. (...)

Il y a beaucoup plus de risques maintenant que certains aspects de la gestion du personnel soient mal pris en compte, car certaines missions ne sont pas clairement identifiées. Ainsi, qui doit vérifier la réalité du diplôme, et les inscriptions aux casiers judiciaires ?
Un reportage qui montre aussi l’impuissance de certains services sociaux face à des problèmes récurrents.

Il montre aussi la situation d’adolescents déscolarisés et atteints de troubles psychiques, placés par l’ASE dans des hôtels « sordides ». Mais là aussi n’est-ce pas le manque de moyens qui est à l’origine de ces problèmes ? Croit-on que ces mises à l’hôtel se pratiquent de gaité de cœur ? Quelle autre solution propose-t-on quand il n’y a plus de lieu d’accueil ?

Les travailleurs sociaux sont bien placés pour le savoir. Ceux de l’aide sociale à l’enfance passent un temps très conséquent à rechercher des points de chutes, des lieux d’accueil qui sont tous engorgés. C’est non seulement épuisant, mais aussi démoralisant (...)

Sans nier la gravité des situations dénoncées, la présidente du Conseil départemental des Deux-Sèvres, Coralie Dénoues, s’interroge sur l’impact que peut avoir l’émission de M6 sur les personnels et futurs professionnels de la collectivité qu’elle dirige. Ce n’est pas cela effectivement qui va renforcer l’attractivité des métiers et aider aux futurs recrutements.

Je me permets de rappeler ici ce que m’avait déclarée une cadre de l’ASE dont je tairai le nom : « Quoi que l’on fasse à l’ASE, nous avons tort » me disait-elle. (...)

Il est des émissions qui dénoncent (certes à juste titre) sans apporter de solutions. Et là, c’est un contrôle accru des professionnels qui est proposé. On ne peut être contre cette mesure mais est-ce vraiment une solution à la hauteur des problèmes tels qu’ils se posent ?