Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
Stocamine : la justice annule le confinement des déchets toxiques
Article mis en ligne le 17 octobre 2021

Les juges ont suspendu l’autorisation des travaux de confinement définitif des déchets industriels de Stocamine, en Alsace. Les opposants au projet parlent de victoire. Et réclament le déstockage des 42 000 tonnes de déchets toxiques, afin de préserver l’une des plus grandes nappes phréatiques d’Europe.

« On est sous le choc. C’est une grande nouvelle, on peut parler d’une victoire, pour les habitants du coin, pour tous les Alsaciens, et pour notre eau potable », s’exclame Yann Flory, du collectif Destocamine. Un peu après 14 h, vendredi 15 octobre, les juges de la cour d’appel administrative de Nancy (Meurthe-et-Moselle) ont publié leur décision : ils suspendent les travaux de confinement de 42 000 tonnes de déchets toxiques menés par Stocamine. Dans une ancienne mine de potasse de Wittelsheim, près de Mulhouse (Haut-Rhin), l’entreprise prévoit de construire un sarcophage de béton pour sceller dans le sol ces déchets industriels ultimes, contaminés à l’arsenic, au cyanure ou encore à l’amiante. Et cela sous la nappe phréatique d’Alsace, l’une des plus grandes d’Europe. (...)

Les juges ont donné raison à la Collectivité européenne d’Alsace, à l’association CLCV 68, qui représentait Destocamine, et à Alsace Nature. Stocamine, société ad hoc détenue par l’État, devra verser 3 000 euros de dédommagement à chacune de ces entités. Par son jugement, la cour d’appel a suspendu l’arrêté du 23 mars 2017, qui autorisait le confinement pour une durée illimitée de ces déchets toxiques. Les juges ont estimé, en suivant l’avis du rapporteur public, que Stocamine ne présentait pas les garanties financières nécessaires pour réaliser le confinement. M. Wurtz, le président de la cour, a regretté que la société ait seulement indiqué que le financement s’opérerait par des subventions, sans préciser leur maintien ni leur montant. « Depuis plus de vingt ans, nous dénonçons le manque de transparence économique de Stocamine. Le rapporteur public a également souligné l’incertitude quant aux conséquences potentielles pour la nappe phréatique, notre ressource en eau potable, ainsi que sur la nature des déchets. Nous sommes enfin entendus », a commenté pour Reporterre Yann Flory, de Destocamine.

Pour prendre un nouvel arrêté préfectoral de confinement de ces déchets ultimes, l’État devra organiser d’autres études environnementales et une enquête publique. La procédure durera certainement plus d’un an. (...)

« Il nous est impossible de laisser un tel héritage aux générations futures »

Dans les années 1990, l’État promettait de pouvoir toujours « déstocker » les déchets de la mine (c’est-à-dire de les en retirer) et vantait un système transparent et sûr. À partir de 1999, des big bags et des fûts contenants des produits issus de l’industrie contaminés à l’arsenic, au mercure, au cyanure ou encore à l’amiante ont pris le chemin des galeries de l’ancienne mine de potasse de Wittelsheim. En 2002, un incendie a mis fin à l’activité de stockage du site, après seulement trois ans d’exercice. Depuis, au gré des décisions des gouvernements successifs, seulement 2 000 tonnes de déchets contenant du mercure ont été extraites. Comme Reporterre l’expliquait dans une enquête publiée en avril dernier, il y a certainement des déchets irréguliers parmi les 42 000 tonnes enfouies à 500 mètres sous terre.

Estimant que les opérations de déstockage étaient trop dangereuses pour les travailleurs et qu’elles étaient inutiles, Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, a décidé en janvier 2021 le confinement illimité des déchets. Pourtant, Jean-Pierre Hecht, un ancien représentant syndical de Stocamine, explique que le déstockage est tout à fait possible, au moins pour une grande partie des déchets. Plusieurs mineurs expriment publiquement et régulièrement le même avis. Jean Rottner, le président de la Région Grand Est, a fait savoir au collectif Destocamine, dans une lettre que Reporterre a pu consulter, que ses services étaient en relation avec trois entreprises pouvant réaliser les opérations. (...)