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Stathis Kouvélakis – Il faut s’opposer à ceux qui mènent la Grèce et la gauche grecque à la capitulation
Article mis en ligne le 23 juillet 2015

« Nous publions ici la traduction en français d’un texte rédigé à chaud le 11 juillet par Stathis Kouvelakis membre du CC de Syriza. Il permet de mieux comprendre l’ampleur du tournant pris par Alexis Tsipras au lendemain du référendum du 5 juillet conduisant tout droit à la capitulation du 15 juillet ».

Quiconque vit actuellement, ou se contente de suivre, les derniers développements en Grèce ne comprend que trop bien le sens d’expressions telles que « moments critiques », « climat de tension », « rupture dramatique », ou encore « situation-limite ». Compte tenu des événements qui se déroulent depuis lundi, un nouveau mot devra être ajouté à la liste : l’« absurde ».

Le terme peut paraître étrange, ou exagéré. Mais comment caractériser autrement le renversement total du sens d’un événement aussi extraordinaire que le référendum du 5 juillet, quelques heures seulement après sa conclusion, par ceux-là même qui l’avaient initié ?

Comment expliquer que les dirigeants de Nouvelle démocratie et de To Potami, respectivement Vangelis Meïmarakis et Stavros Theodorakis – chefs du camp qui a été battu de manière écrasante dimanche dernier –, soient devenus les porte-parole officiels de la ligne qui est actuellement défendue par le gouvernement grec ? Comment est-il possible que le Non fracassant au mémorandum austéritaire puisse être interprété comme le feu vert à un nouveau mémorandum ? Pour le dire simplement : si le gouvernement était disposé à signer un accord encore plus défavorable et contraignant que celui proposé il y a deux semaines par le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, à quoi bon le référendum et le combat pour la victoire du Non ?

Le sentiment d’absurdité n’est toutefois pas le simple produit de ce renversement inattendu. Il découle en premier lieu du fait que tout survient « comme s’il ne s’était rien passé », comme si le référendum était une sorte d’hallucination collective qui avait soudainement pris fin, nous laissant reprendre librement nos activités antérieures. Néanmoins, comme nous ne sommes pas tous devenus amnésiques, donnons-nous la peine de nous livrer à un bref rappel de ce qui s’est passé durant les derniers jours.

Dimanche dernier donc, le peuple grec a ébranlé l’Europe et le monde. En répondant massivement à l’appel de son gouvernement, et dans des conditions vraiment exceptionnelles (banques fermées, contrôle des capitaux, retraits plafonnés à 60 euros par jour, retraites et allocations partiellement versées), a voté très largement « non » aux propositions humiliantes et exorbitantes des créanciers. Aussi bien l’ampleur du « non » que sa composition qualitative, à savoir la majorité écrasante obtenue parmi les travailleurs, les classes populaires et la jeunesse, donnent à voir la profondeur des transformations qui sont à l’œuvre, ou plutôt qui se sont cristallisées, en un temps très court, dans la société grecque.

Les mobilisations de masse de vendredi dernier, le climat de mobilisation « par en bas » qui a prévalu la semaine dernière, sans même parler de la vague enthousiaste de solidarité internationale, témoignent du potentiel énorme libéré par le choix de la confrontation plutôt que de la retraite.

Mais dès lundi matin, alors même que l’écho des cris de victoire sur les places publiques du pays s’était à peine tu, le théâtre de l’absurde a commencé. Sous l’égide du président de la République, Prokopis Pavlopoulos, qui avait très activement pris parti pour le Oui, le gouvernement a convoqué les dirigeants des partis défaits battus pour élaborer un cadre de négociation faisant de l’euro une ligne rouge indépassable, et déclarant en particulier qu’il n’avait aucun mandat pour quitter l’union monétaire.

Encore embrumée par la joie de dimanche, l’opinion publique a vu les représentants des 62% se soumettre à ceux des 38% et cela immédiatement après une victoire éclatante pour la démocratie et la souveraineté populaire.

Mardi, le gouvernement s’est rendu à Bruxelles pour une réunion extraordinaire de l’Eurogroupe sans aucune nouvelle « proposition » dans ses bagages et, comme prévu, il s’est trouvé confronté à un nouvel ultimatum, plus brutal encore que le précédent. (...)

par les décisions prises cette semaine, le gouvernement s’est purement et simplement retrouvé dans le piège dans lequel il était pris avant l’annonce du référendum, cette fois dans une position encore moins favorable, soumis à la pression d’un étranglement financier encore plus impitoyable. Il est ainsi parvenu à dilapider en un temps record le précieux capital politique créé par la victoire du 5 juillet. Il se trouve sous l’emprise de ceux qui s’y étaient opposés et qui ont toutes les raisons de se sentir légitimés, malgré leur déculottée électorale.

Reste que le référendum a bien eu lieu. Il ne s’agit pas d’une hallucination dont chacun serait revenu. Au contraire, l’hallucination consiste dans la tentative de rabaisser le référendum, en en faisant un simple moyen de « relâcher la pression », avant de reprendre le chemin qui conduit tout droit à un troisième mémorandum.

Or c’est bien dans cette voie suicidaire que le gouvernement s’est s’engagé. Hier, tard dans la soirée, il a envoyé par courrier électronique à tous les membres du Parlement un texte d’une douzaine de pages, rédigé à la hâte en anglais par des experts envoyés par le gouvernement français, s’appuyant sur la demande de prêt de 50 milliards d’euros faite pas Tsakalotos.

Il s’agit tout simplement d’un nouveau plan d’austérité – en fait un copier-coller du plan Juncker rejeté par les électeurs il y a quelques jours. Ses grandes lignes ne sont que trop familières : (...)

Thanassis Petrakos, l’un des trois porte-parole du groupe parlementaire de Syriza et figure importante de la Plateforme de gauche a quant à lui déclaré :

Le « non » au référendum est un « non » radical et un « non » de classe. Certains camarades haut placés insistent sur la logique selon laquelle « il n’y a pas d’autre choix ». Nous devrions nous préparer à quitter l’Eurozone et le dire clairement aux gens. La gauche a un avenir lorsqu’elle déploie ses ailes face à l’inconnu, pas lorsqu’elle se soumet au néant. Ceux qui insistent sur le choix de rester dans l’euro coûte que coûte savent que cela conduit au désastre. Nous avons besoin d’une sortie préparée pour ouvrir une nouvelle voie. Les premiers pas sont le contrôle public des banques et de la banque centrale grecque, ainsi que des mesures sévères à l’égard de l’oligarchie. (...)