
(...) dans le monde numérique, à qui appartient réellement internet ? « Nous avons collectivement un devoir moral et citoyen de protéger nos libertés et nos biens communs contre leur accaparation. Or, on peut considérer Internet comme un bien commun de l’humanité. Et nous avons le droit de vouloir le laisser libre aux générations futures », expliquait Jérémie Zimmerman, cofondateur de la Quadrature du Net. Mais comment ce bien commun est-il mis sous le contrôle de quelques-uns, et quelles conséquences pour les utilisateurs ? (...)
(...) Les protocoles et les standards ouverts à l’origine d’Internet, puis du Web, ont longtemps été la garantie d’un exercice effectif de droits fondamentaux, comme la liberté d’expression, largement théoriques auparavant. La nature distribuée du réseau garantissait à tous les émetteurs la possibilité d’échanger des informations et des contenus, sans discrimination. Mais dans le même temps, l’architecture ouverte d’Internet, notamment avec la démultiplication des possibilités de copie qu’elle offre, est entrée en conflit frontal avec les principes de la propriété intellectuelle. De cette tension est née la "guerre au partage", qui de Napster à MegaUpload en passant eMule et The Pirate Bay, a entraîné le droit dans une véritable fuite en avant. (...)
au-delà des DRM, le "Droit de Regard de la Machine" déborde aujourd’hui les simples verrous numériques pour déboucher sur des systèmes de surveillance et de contrôle à grande échelle. ContentID, le Robocopyright de YouTube qui compare constamment les vidéos à des empreintes fournies par les titulaires de droits, donne par exemple une image de ce que peut devenir une application mécanisée du droit d’auteur déployée au niveau de l’une des plus grandes plateformes au monde. Faite à l’origine pour être interprétée et appliquée par des humains, la loi aujourd’hui se machinise ; elle peut entrer "dans le code" et ce mouvement provoque des conséquences susceptibles d’altérer en profondeur l’équilibre des libertés en ligne. (...)
"L’auto-régulation des plateformes " est devenu le nouveau concept à la mode, qui sera certainement au coeur de la future loi sur la création dont l’examen est prévu en France pour 2014. La question est alors de savoir comment préserver le Code originel, garant de l’exercice des libertés sur Internet, pour éviter cette injection robotisée d’un droit négocié entre acteurs privés, directement au coeur des protocoles et des algorithmes s’appliquant à l’essentiel de nos échanges en ligne. (...)