
La garde à vue du photojournaliste a suscité de nombreuses protestations dans la profession, qui dénonce l’atteinte au secret des sources et une pression sur la liberté d’informer.
Le photojournaliste Yoan Jäger est sorti libre du commissariat d’Orléans (Loiret), vendredi 23 juin vers 13 h, après trois jours et demi de garde à vue. Il avait été interpellé mardi 20 juin à son domicile de Tours (Indre-et-Loire). « Les policiers de la sous-direction anti-terroriste [Sdat] ont débarqué chez lui, cagoulés, à 6 h du matin », a raconté à Reporterre son avocat, Me Colin Verguet. Les forces de l’ordre ont d’abord mené une perquisition et saisi du matériel électronique, avant de conduire le photojournaliste au commissariat pour « dégradations en bande organisée » et « association de malfaiteurs ».
Le photojournaliste, membre du collectif Divergente, est accusé d’avoir participé à des dégradations commises lors d’une action de militants écologistes contre l’usine Lafarge de Bouc-Bel-Air (Bouches-du-Rhône), près de Marseille, samedi 10 décembre 2022. (...)
Cette arrestation s’inscrit dans la vague d’interpellations réalisées mardi 20 juin. Ce jour-là, quatorze personnes ont été arrêtées, notamment à Notre-Dame-des-Landes, et placées en garde à vue dans le cadre de l’enquête sur cette action. Treize d’entre elles ont été enfermées à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), dans les locaux de la sous-direction antiterroriste. Huit gardes à vue ont été levées jeudi 22 juin au matin. Cette rafle fait suite à un premier coup de filet, qui s’était déroulé lundi 5 juin, au cours duquel une quinzaine de personnes avaient été interpellées par la Sdat et la section de recherche de Marseille, sur commission rogatoire des juges d’instruction d’Aix-en-Provence. Une répression massive dénoncée par le milieu écolo, en particulier par les Soulèvements de la Terre, dissous mercredi 21 juin par le gouvernement. Les Soulèvements de la Terre ne s’étaient pas présentés comme organisateurs de l’action mais l’avaient saluée. (...)
L’arrestation du photojournaliste a suscité une vague d’indignation dans la profession. Le collectif Divergente a réclamé sa « libération immédiate » et a condamné « cette arrestation et toutes actions judiciaires contre des photographes qui travaillent sur des questions d’actualité ». Les médias indépendants avec lesquels il collabore régulièrement ont posté des tweets de soutien. Parmi eux, Basta, pour qui Yoan Jäger avait notamment couvert les cantines de luttes qui ont ravitaillé les grévistes pendant le mouvement contre la réforme des retraites. Ou encore Reporterre, pour qui il avait réalisé trois reportages photos (...)
Sur Twitter, le collectif Profession : pigiste a dénoncé « une nouvelle atteinte grave à la liberté de la presse ». Pour Agnès Briançon, secrétaire générale du Syndicat national des journalistes (SNJ), le gouvernement et les forces de l’ordre poursuivent plusieurs objectifs en interpellant les journalistes et photojournalistes présents sur les actions (...)
Yoan Jäger doit être convoqué début juillet devant un juge d’instruction à Aix-en-Provence. Ni lui ni aucun activiste arrêté dans le cadre de l’action contre Lafarge Bouc-Bel-Air n’a été mis en examen ou déferré. (...)