
Il est particulièrement intéressant de s’attarder sur le regard et l’appréciation que porte le Conseil d’État, dans son ordonnance du 11 août, sur les actions de désobéissance civile et de désarmement revendiquées par les Soulèvements de la Terre.
(...) La décision du Conseil d’État, même si elle reste à confirmer, est d’abord une excellente nouvelle. A ceux qui au sommet de l’État veulent s’affranchir des principes de l’État de droit, elle réaffirme le droit. Assurément, elle témoigne de la volonté de mettre un coup d’arrêt à un gouvernement de plus en plus liberticide. Celui-ci croyait s’appuyer sur l’article 212-1 du code de la sécurité intérieure (qui précise les conditions de dissolution d’une association ou groupement de fait) pour faire taire un courant de pensée et d’action incarné par les Soulèvements de la Terre. C’est lui au final qui se trouve dans l’illégalité car incapable d’apporter les preuves probantes et suffisantes qui justifient sa décision de dissolution. Le Conseil d’État est particulièrement explicite : « Ce décret porte une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté de conscience, à la liberté d’expression, à la liberté de réunion et à la liberté d’association protégées par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
La sémantique des mots employés, encore une fois, a toute son importance. Il est assez piquant et somme toute risible que le gouvernement par la voie de son représentant à l’audience du mardi 8 août ait cru bon de vouloir durcir son propos en évoquant le « basculement » des activistes des SdT de la « désobéissance civile » à la « résistance civile » : Le mouvement « est notamment à l’origine du concept de “désarmement” qui, en inscrivant les actions de sabotage dans une logique défensive des biens communs menacés, a ingénieusement convaincu des militants habituellement adeptes d’actions de désobéissance civile de basculer vers la "résistance civile" », indique le ministère de l’intérieur. L’émergence de cette expression, qui au demeurant n’apparaît pas dans le décret de dissolution, et qui voudrait montrer que les SdT ont franchi un cap dans la radicalité (« basculement »), ne manque pas d’étonner. A double titre :
– D’abord, il faut souligner que le ministère, de façon étonnante, semble ici atténuer la portée de l’action de « désobéissance civile », alors qu’il n’a de cesse de la criminaliser en ne manquant pas une occasion de marteler qu’elle est une forme d’action violente (...)
Pour l’État, apprendre à saboter des installations nocives pour la planète est une action violente (alors qu’elle ne concerne que des biens), donc un atelier de formation à la désobéissance civile est un atelier de formation à la violence, c’est donc une action délinquante qui tombe sous le coup de la loi. CQFD.
– Le 2ème point particulièrement intéressant est la référence à la « résistance civile », un concept peu employé en France, et certainement pas par les SdT à notre connaissance. De quoi s’agit-il ? La résistance civile est une pratique de résistance, collective et non armée, spontanée ou organisée, dirigée contre une force adverse puissante (gouvernement oppressif, système totalitaire, puissance militaire étrangère, coup d’État). La résistance civile est un type de lutte non-violente, mais souvent sans référence explicite au principe de non-violence. (...)
Ainsi, le gouvernement en utilisant l’expression « résistance civile » pour dénoncer l’action des SdT, qui pourtant ne relève pas de cette catégorie, ne reconnaît il pas implicitement qu’il se range dans la catégorie des gouvernement oppressifs ?…
Les actions de désarmement (sabotage non-violent) encouragées et mises en œuvre par les SdT ne relèvent pas de la « résistance civile » (puisque l’objectif n’est pas de renverser le gouvernement), mais bien d’une forme d’illégalisme sans violence, car il ne s’agit en aucune manière de porter atteinte à l’intégrité physique et à la vie de qui que ce soit lors de ces actions. Il s’agit de mettre hors d’état de nuire (de désarmer) des installations qui portent gravement atteinte à l’environnement et qui contribuent au dérèglement climatique. A ce titre, ces actions de sabotage peuvent être considérées comme des formes spécifiques de désobéissance civile, la seule différence étant qu’elles ne sont pas forcément réalisées à visage découvert (c’est l’un des principes de la désobéissance civile). Ce qui peut tout à fait se comprendre.
Le regard du Conseil d’État sur les actions de désobéissance civile dans son ordonnance du 11 août est particulièrement intéressant. En effet, une lecture attentive de sa décision pourrait laisser penser que cette institution légitime, voire « légalise » la pratique de la désobéissance civile dans notre démocratie. Outre le fait que le Conseil d’État rappelle que les actions de sabotage initiées par les SdT l’ont été en nombre limité, il souligne dans son ordonnance qu’elles « se sont inscrites dans les prises de position de ce collectif en faveur d’initiatives de désobéissance civile et de "désarmement" de dispositifs portant atteinte à l’environnement, dont il revendique le caractère symbolique ». Surtout, et c’est le plus important, le Conseil d’État fait remarquer que « « eu égard au caractère circonscrit, à la nature et à l’importance des dommages résultant de ces atteintes (à des biens), les juges des référés considèrent que la qualification de ces actions comme des agissements troublant gravement l’ordre public au sens du 1° de l’article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure soulève un doute sérieux » (extrait du communiqué de presse du Conseil d’État). (...)
Pour le Conseil d’État, les actions de sabotage qui relèvent d’une symbolique de la désobéissance civile ne portent pas atteinte à l’ordre public, et en aucun cas, elles ne peuvent être assimilées à des actions armées ou violentes, à l’encontre de personnes ou de biens, telles que le code de la sécurité intérieure le précise pour justifier la dissolution des SdT. Si ces actions de désarmement ne sont pas violentes et qu’elles ne troublent pas l’ordre public, cela signifie que ces formes de désobéissance civile ont leur place dans notre démocratie et qu’elles jouent à la fois un rôle d’alerte et de contrainte pour obliger un gouvernement à changer sa vision de la lutte contre le réchauffement climatique, lui qui a par ailleurs été condamné pour « inaction climatique ». Dans cette perspective, la désobéissance civile des citoyens est un bien pour la démocratie et le climat. Elle ne doit d’ailleurs pas être que « symbolique », mais elle peut devenir une réelle force de pression sur le pouvoir en mobilisant l’opinion publique en soutien aux désobéisseurs civils et civiques. (...)
Ainsi, le gouvernement en utilisant l’expression « résistance civile » pour dénoncer l’action des SdT, qui pourtant ne relève pas de cette catégorie, ne reconnaît il pas implicitement qu’il se range dans la catégorie des gouvernement oppressifs ?…
Les actions de désarmement (sabotage non-violent) encouragées et mises en œuvre par les SdT ne relèvent pas de la « résistance civile » (puisque l’objectif n’est pas de renverser le gouvernement), mais bien d’une forme d’illégalisme sans violence, car il ne s’agit en aucune manière de porter atteinte à l’intégrité physique et à la vie de qui que ce soit lors de ces actions. Il s’agit de mettre hors d’état de nuire (de désarmer) des installations qui portent gravement atteinte à l’environnement et qui contribuent au dérèglement climatique. A ce titre, ces actions de sabotage peuvent être considérées comme des formes spécifiques de désobéissance civile, la seule différence étant qu’elles ne sont pas forcément réalisées à visage découvert (c’est l’un des principes de la désobéissance civile). Ce qui peut tout à fait se comprendre.
Le regard du Conseil d’État sur les actions de désobéissance civile dans son ordonnance du 11 août est particulièrement intéressant. En effet, une lecture attentive de sa décision pourrait laisser penser que cette institution légitime, voire « légalise » la pratique de la désobéissance civile dans notre démocratie. (...)
Pour le Conseil d’État, les actions de sabotage qui relèvent d’une symbolique de la désobéissance civile ne portent pas atteinte à l’ordre public, et en aucun cas, elles ne peuvent être assimilées à des actions armées ou violentes, à l’encontre de personnes ou de biens, telles que le code de la sécurité intérieure le précise pour justifier la dissolution des SdT. Si ces actions de désarmement ne sont pas violentes et qu’elles ne troublent pas l’ordre public, cela signifie que ces formes de désobéissance civile ont leur place dans notre démocratie et qu’elles jouent à la fois un rôle d’alerte et de contrainte pour obliger un gouvernement à changer sa vision de la lutte contre le réchauffement climatique, lui qui a par ailleurs été condamné pour « inaction climatique ». Dans cette perspective, la désobéissance civile des citoyens est un bien pour la démocratie et le climat. Elle ne doit d’ailleurs pas être que « symbolique », mais elle peut devenir une réelle force de pression sur le pouvoir en mobilisant l’opinion publique en soutien aux désobéisseurs civils et civiques. (...)