
Mouvement composite à l’intersection des luttes écolos et locales, les Soulèvements de la Terre font face à une procédure de dissolution initiée par Gérald Darmanin. Derrière les accusations du ministre, la réalité de l’organisation est tout autre.
Si l’on en croit la note des Renseignements généraux sur le mouvement qui a fuité [1] , le collectif des Soulèvements de la Terre a « insufflé une nouvelle dynamique aux luttes écologistes » (...)
Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin avait qualifié le mouvement d’« écoterroriste » fin 2022.
Après la manifestation contre les mégabassines de Sainte-Soline le 25 mars dernier, il a menacé de dissoudre le « groupement de fait » que constitue ce rassemblement de multiples organisations et collectifs écologistes. Il peut le faire sur la base de la « loi séparatisme » adoptée en 2021. L’annonce de la dissolution d’abord attendue le jeudi 13 avril a n’a finalement pas eu lieu, le gouvernement indiquant prendre le temps d’instruire le dossier. (...)
Convergence entre organisations multiples
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Les Soulèvements de la Terre constituent un large rassemblement d’organisations et de citoyen·nes. Les actions sur lesquelles ils décident de venir en appui sont, depuis le lancement du mouvement, décomposées en « saisons ». « Dès le début d’une nouvelle saison d’actions, on sait que ce ne sont pas les mêmes personnes qui vont s’engager avec nous », dit Léna Lazare, l’une des porte-parole du mouvement. Pour elle, « la rhétorique du gouvernement est complètement absurde. Ce qu’ils veulent dissoudre, c’est la dynamique construite ensemble, la convergence entre plein d’organisations de la société civile et de gens avec différentes expériences militantes. »
« Les Soulèvements, je dirais que c’est une campagne populaire et inclusive qui relie les combats écologistes d’un bout à l’autre du pays. Tout le monde peut se retrouver un jour ou l’autre, confronté à un projet d’autoroute, d’élevage intensif, de zone logistique, là où il vit, avance de son côté l’autrice et journaliste Célia Izoard, l’une des vingt coprésident·es de l’Association de défense des terres. (...)
Une stratégie collective
La stratégie de mobilisation qui semble avoir tant impressionné le renseignement français repose d’abord sur une décision collective. « Quand une lutte se retrouve bloquée au niveau local, que tous les recours ont été épuisés, le mouvement peut venir appuyer la lutte localement pour en faire une question nationale et faire venir du monde. Tout cela est décidé en assemblée, avec des propositions d’action précises », détaille Léna Lazare.
Avec encore et toujours en toile de fond, la lutte contre l’artificialisation des terres et contre les industries qui y sont liées, du béton aux pesticides. (...)
Le mode d’action des Soulèvements de la Terre est présenté comme de « l’écoterrorisme » par Gérald Darmanin. Le mouvement conteste totalement cette accusation. « Au sein des Soulèvements, il est question de “lutte contre les outils de destruction” et de “désarmement”. On est très loin de l’image que certaines et certains veulent en donner, insiste Marie Pochon. C’est aussi une manière de dénoncer et montrer le caractère très violent et destructeur du système en face, destructeur entre autres de la ressource en eau et de l’habitabilité de la Terre. »
« Le démontage d’infrastructures écocidaires fait partie de notre stratégie de désarmement , complète Léna Lazare (...)
Des luttes locales
Cette stratégie ne se résume pas au démontage d’infrastructures. Au-delà de la mobilisation contre les mégabassines qui a retenu toute l’attention médiatique, les Soulèvements de la Terre ont embrassé de multiples autres luttes locales. (...)
« Les Soulèvements de la Terre, ce n’est pas 15 personnes autour d’une table, mais bien des citoyennes et citoyens engagé·es partout dans des luttes locales, souligne la députée Marie Pochon. Et ça, ce n’est pas possible de le dissoudre. »