
Mahsa Amini était une femme comme les autres. Mais sa mort le 16 septembre lui a donné une place dans l’histoire en déclenchant une vague de contestation qui, six mois plus tard, contribue à transformer la société iranienne.
(...) Une épitaphe gravée sur sa tombe – « Tu n’es pas morte, Mahsa, ton nom devient un symbole » – se montre prothétique : Mahsa Amini est devenue un visage reconnu par tous les Iraniens et bien au-delà des frontières du pays. Pour beaucoup, elle personnifie la lutte contre l’obligation du port du voile et devient la figure unificatrice de la protestation. Souvent stylisé, son portrait se retrouve sur des murs, des pancartes, mais aussi à la une de magazines iraniens, comme le mensuel Andisheh Pouya ce mois-ci. (...)
La colère provoquée par son décès s’est coagulée avec « une série de problèmes, notamment la crise économique, l’attitude de la police des mœurs ou des enjeux politiques, comme la disqualification de candidats lors des élections », explique le sociologue Abbas Abdi.
Demande d’ouverture
En octobre et novembre, les protestations montent en puissance sous des formes différentes, souvent initiées par des jeunes sans leader ni programme politique si ce n’est la demande de l’égalité hommes-femmes et d’une plus grande ouverture.
Faisant bloc, le pouvoir dénonce des « émeutes » orchestrées depuis l’étranger, notamment par les États-Unis et les opposants exilés, très actifs sur les réseaux sociaux. Le bilan est lourd : des centaines de tués et des milliers de personnes arrêtées, dont quatre sont exécutées.
En février, constatant un reflux du mouvement, les autorités commencent à libérer plus de 82 000 détenus, dont 22 600 « étaient liés aux émeutes », a indiqué cette semaine le chef de l’autorité judiciaire Gholamhossein Mohseni Ejei.
« Les manifestations sont terminées, mais je doute que la protestation ait pris fin », estime Abbas Abdi. « Certaines personnes, en particulier dans la diaspora, ont misé à tort sur la chute de la République islamique dans un avenir très proche », indique M. Zeidabadi. Mais la contestation a eu « des résultats en tant que mouvement civique », selon lui.
En témoigne une évolution bien visible dans les rues de Téhéran ou d’autres grandes villes : la présence de plus en plus de femmes ne portant pas le voile. « Un certain degré de liberté du hijab est toléré, même si la loi et les règles n’ont pas changé », note M. Zeidabadi.
Sur cette question, qui divise la société, les autorités semblent faire preuve de prudence. (...)
« Les causes principales de la crise demeurent », renchérit M. Abdi. Elles sont notamment économiques avec une inflation de l’ordre de 50 % et la chute du rial, la monnaie nationale, face au dollar et à l’euro.
Dans un tel contexte, « il semble que la République islamique se soit rendu compte de la nécessité d’un changement de politique, bien qu’il n’y ait pas de consensus en son sein sur la réponse durable à apporter la contestation », estime M. Zeidabadi (...)