
Le Conseil d’État a confirmé que les variétés rendues tolérantes aux herbicides (VrTH) issues de mutagénèse aléatoire in vitro ou de mutagénèse dirigée doivent être soumises à la réglementation OGM. Mais il a accordé au gouvernement un délai de neuf mois pour apprécier les mesures qu’il doit prendre à cet effet. Du coup, ce qui est semé légalement aujourd’hui pourrait devenir illégal au moment de la récolte et/ou de sa commercialisation. La Confédération paysanne a tenu à en avertir publiquement tous les paysans.
La Confédération paysanne a, à nouveau, écrit aux agriculteurs et plus particulièrement à ceux qui sont sur le point de semer du tournesol ou d’acheter des semences de colza pour les semis de fin d’été. En août 2018, le syndicat avait déjà pris soin de rappeler à « ses collègues producteurs de colza » [1] qu’un mois plus tôt la Cour de justice de l’Union européenne avait arrêté que les variétés de colza Clearfield, issues entre autres d’une technique de mutagénèse, sont bien des OGM, et qu’elles ne peuvent bénéficier de l’exemption, cette dernière étant réservée aux techniques traditionnellement utilisées et dont la sécurité est avérée depuis longtemps [2]. Le Conseil d’État, en février 2020, a précisé que « doivent être inclus dans le champ d’application de la directive 2001/18/CE les organismes obtenus au moyen de techniques ou méthodes de mutagénèse qui sont apparues ou se sont principalement développées depuis l’adoption de la directive le 12 mars 2001 ». [3].
Cet arrêt de la Cour était, comme tous ses arrêts, d’application immédiate dans tous les États membres de l’UE. À l’exception de quelques « régulations administratives » d’essais en champs implantés en Belgique et au Royaume-Uni, les instances nationales et européennes ont peu pris en considération les obligations qui en découlaient et il n’a pas été mis non plus en application par le gouvernement français. Ainsi, les vendeurs et les cultivateurs de colza Clearfield n’ont pas été inquiétés et ces variétés ont pu, une année de plus, échapper aux obligations de la directive européenne sur les OGM (directive 2001/18). (...)
La Confédération Paysanne « revendique le droit de savoir comment ont été obtenues les variétés commercialisées. Avant toute mise sur le marché, l’industrie semencière doit avoir l’obligation de déclarer quelles techniques ont été utilisées. S’il s’agit de techniques produisant des OGM réglementés, elles doivent être soumises à autorisation préalable et à étiquetage OGM ».
Autres syndicats : entre inquiétude et approbation
Interrogée par Inf’OGM, la Coordination rurale (CR) nous précise qu’elle n’a pas communiqué de conseils particuliers à ses adhérents suite à la décision du Conseil d’État. Mais elle a écrit aux vendeurs de semences, comme RAGT et Euralis Semence. Dans cette lettre qu’Inf’OGM s’est procurée, la Coordination rurale , « alertée par la demande de certaines organisations demandant aux agriculteurs de ne pas semer de variées résistantes aux herbicides, (…) s’interroge sur la marche à suivre pour la campagne à venir ». Elle note que « dans la pratique, il se pourrait que ces variétés soient retirées du catalogue et que les cultures soient suspendues. (…) [Le syndicat] souhaite éclaircir un point juridique (…) : est-il possible de semer ces variétés VTH sans le risque de voir requalifiées en OGM les récoltes qui en seront issues ? » (...)
Interrogée par Inf’OGM, la FNSEA nous a demandé de contacter l’AGPB, qui à son tour nous a renvoyés vers la Fédération Française des Producteurs d’Oléagineux et de Protéagineux (FOP). La FOP nous a finalement répondu : « la position de la FOP a toujours été la même (...), à savoir, l’application stricte, pleine et entière de la loi et des règlementations en vigueur ainsi que des décisions de justice. La FOP s’est en effet toujours située dans une démarche pragmatique et non idéologique. C’est notamment cette position intangible qui amène la FOP à condamner toutes actions de fauchages ». Drôle de vision pragmatique que de ne pas dire aux agriculteurs quelles variétés sont OGM. Nous supposons que la FOP ne va pas attendre neuf mois pour déterminer quelles variétés sont in vivo, in vitro... Et drôle de vision pragmatique que de refuser à rendre publics d’éventuels conseils aux agriculteurs. Si les récoltes doivent être vendues comme OGM, ne faut-il pas leur dire dès à présent ? (...)