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Libération
Sans-papiers : la Cimade dénonce une « utilisation abusive de la rétention »
Entretien avec de David Rohi, responsable national rétention à la Cimade.
Article mis en ligne le 18 novembre 2017

Selon l’association d’aide aux étrangers, deux fois plus de personnes sont enfermées en centre de rétention administrative que l’année dernière à la même période.

(...) La première explication, la plus fondamentale, c’est l’annonce claire par le gouvernement de la volonté d’utiliser encore plus qu’auparavant les centres de rétention, pour tenter d’expulser plus de personnes. Je dis bien « tenter ». On fait déjà le constat depuis des années d’une utilisation abusive de la rétention.

Le deuxième élément, un facteur qui a accéléré l’enfermement, c’est l’attentat de Marseille. Dans sa suite immédiate, le gouvernement a donné des instructions très claires aux préfets pour multiplier la rétention. On a noté une très nette accélération à partir de ce moment-là. Or ce n’est pas en enfermant à tour de bras en rétention qu’on va améliorer la lutte antiterroriste. Et ça revient à considérer les personnes qui ne sont pas en règle en France comme une menace. (...)

La première des conséquences c’est la violence de l’enfermement, qui s’est banalisé en France. Ce sont des personnes qu’on menotte, qu’on enferme dans des lieux avec des barreaux, des barbelés. Elles ont déjà des parcours précaires, donc elles sont encore plus traumatisées. Il y a des cas de tentative de suicide. Cela peut aussi entraîner la perte d’un emploi, la séparation avec des proches, et ils peuvent être enfermés loin de chez eux. C’est de plus en plus le cas. Le gouvernement ne veut pas courir le risque politique d’un deuxième attentat dont la faute pourrait lui être imputée, donc il enferme plus. (...)

On a vu concrètement des cas de personnes arrêtées à Briançon ou en Corse, emmenées dans un centre à Toulouse, qui sont ensuite libérées. Sauf qu’elles ne sont pas reconduites à Briançon ou en Corse, elles doivent se débrouiller, avec toute la précarité qu’elles subissent déjà. On a aussi des gens qui viennent de pays à risque, comme des Afghans, qui sont exposés à être renvoyés. La France renvoie les gens vers l’Afghanistan, parfois en les faisant passer par d’autres pays européens comme l’Allemagne ou la Norvège. Nous demandons l’arrêt de ces expulsions.

Le gouvernement a l’intention de doubler la durée de rétention voire davantage. Ils réaliseraient quelques expulsions de plus pour beaucoup de souffrances générées. Enfermer les gens très longtemps conduit à peu d’expulsions en plus, généralement ça se fait assez tôt après le placement en rétention. On a aussi des familles séparées, ou, de plus en plus, des enfants enfermés avec leurs parents. Les conventions internationales devraient conduire la France à ne pas procéder à ce type d’enfermement. Nous, on considère clairement qu’aucun enfant ne devrait être enfermé en rétention, mais la loi le permet. (...)

La massification entraîne l’augmentation des violations des droits. Par ailleurs, plus on augmente le nombre de personnes plus on augmente les risques de tension. (...)