
L’année dernière, la planète a connu l’un des pires épisodes de sécheresse de ces dernières décennies et une crise alimentaire particulièrement grave qui ont eu de terribles répercussions. Fin 2015, la sécheresse touchait 30 pour cent des terres, chiffre parmi les plus élevés jamais enregistré.
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El Niño est un phénomène météorologique cyclique mondial d’origine naturelle qui se produit tous les trois à sept ans. Mais l’année dernière, d’après les scientifiques, le changement climatique en a modifié et aggravé les conséquences. L’atmosphère terrestre enregistrait alors un taux de gaz à effets de serre sans précédent. C’était en outre l’année la plus chaude jamais répertoriée, et ce, pour la troisième année consécutive. Parallèlement, El Niño avait rarement été aussi violent et aussi long.
Les humanitaires l’ont bien vu : les conséquences de cette sécheresse ont été dramatiques. El Niño n’a pas seulement entraîné une crise alimentaire immédiate, mais il a aussi mis durablement en péril les perspectives agricoles de la région, anéantissant de nombreux moyens de subsistance. Ces conséquences à long terme continuent d’affecter un grand nombre de personnes encore aujourd’hui. (...)
Les femmes sont spécialement vulnérables face aux catastrophes. Elles supportent souvent une charge de travail et des responsabilités sociales supérieures, mais sont moins bien considérées et souvent défavorisées lorsque des désastres surviennent.
La sécheresse a généralisé les mécanismes d’adaptation négatifs employés par les femmes et les filles. Par exemple, lors de catastrophes, les femmes nourrissent d’abord leurs enfants et leur mari et se servent souvent en dernier, s’il reste de quoi manger. Des femmes et des filles ont signalé devoir marcher de plus longues heures chaque jour pour trouver de l’eau, devenue rare. Elles perdaient ainsi l’occasion de s’instruire, de gagner de l’argent et de se reposer. Au Malawi et au Lesotho, des rapports de l’organisation non gouvernementale (ONG) de lutte contre la pauvreté ActionAid, ont indiqué que certaines femmes se prostituaient pour survivre, ce qui augmentait pour elles le risque d’attraper le VIH/SIDA. Les mariages précoces seraient également en hausse. Ces tendances menacent le bien-être des femmes et des filles et risque de les empêcher de participer à des activités qui pourraient améliorer à long terme leur condition sociale, leurs droits et leur résilience ainsi que celle de leur entourage.
Heureusement, l’Afrique australe est maintenant en phase de relèvement, un processus qui prendra cependant du temps, car la sécheresse a profondément affecté les sources de revenu des populations, leur bétail, leurs terres, leurs économies, leur éducation, leur santé, etc. Or, le changement climatique s’aggrave, et nous savons que les phénomènes météorologiques extrêmes deviennent de plus en plus fréquents et violents. (...)
L’importance cruciale de travailler avec les femmes pour réaliser des projets de développement ou dans les situations de crise est de plus en plus reconnue dans le secteur. ActionAid a d’ailleurs découvert que cette approche était l’un des principaux facteurs de réussite dans le renforcement de la résilience de l’agriculture en cas de sécheresse et dans les actions mises en œuvre face à la catastrophe.
C’est bien connu, les catégories sociales les plus durement touchées par les catastrophes sont celles qui sont les plus vulnérables telles que les femmes, les filles et les personnes handicapées. Les femmes et les filles ont tendance à être exclues et désavantagées, même en l’absence de catastrophe. Elles ont moins accès aux ressources productives (aux terres, par exemple) et aux services comme l’éducation et les soins de santé, et elles ont peu de mainmise sur ces sujets. Il est donc plus difficile pour elles de se constituer un actif et de réduire les risques auxquels elles s’exposent. Elles ont également un accès plus limité aux secours après une catastrophe et des évènements comme El Niño renforcent encore davantage ces inégalités.
Pourtant, dans de nombreux pays africains, les femmes sont responsables de la plus grande partie de la production de nourriture et des tâches ménagères. Elles sont souvent le pilier de la famille et de la vie locale, mais sont trop fréquemment rendues invisibles, considérées comme dépendantes des hommes et écartées des principaux processus de prise de décision. Les violences sexuelles et sexistes, qui touchent les femmes de manière disproportionnée dans la plupart des sociétés, sont par ailleurs souvent exacerbées lors des catastrophes. Réduire les vulnérabilités chroniques et notamment celles des femmes peut donc grandement contribuer à prévenir des crises récurrentes qui pourraient être évitées. (...)
Reconnaître et mettre en valeur le leadership des femmes est un moyen puissant de changer fondamentalement (et, espérons-le, durablement) les relations de pouvoir déséquilibrées dans la plupart des sociétés. Ce rôle devrait donc être au cœur des programmes d’adaptation locaux, de préparation aux catastrophes et de réduction des risques. Les programmes et politiques visant à limiter les impacts du changement climatique et les futures crises doivent rechercher activement la participation des femmes, leur autonomisation et leur leadership. (...)
Face à l’imprévisibilité des régimes météorologiques et des précipitations due au changement climatique, l’agroécologie s’avère être une véritable planche de salut. Lorsque l’on ajoute des matières organiques au sol, cela améliore sa structure, l’aide à absorber plus d’eau et à retenir celle-ci pour les périodes de faible précipitation et de sécheresse, et prévient son érosion en cas de fortes pluies et d’inondations. Grâce à des cultures diversifiées et adaptées aux conditions locales, les agriculteurs et agricultrices peuvent aussi répartir les risques et réduire les probabilités d’une mauvaise récolte. La hausse de l’imprévisibilité météorologique et des phénomènes extrêmes doit inciter les paysans et paysannes, les ONG et les responsables politiques à s’ouvrir à ces approches essentielles. (...)
Le leadership des femmes et l’agroécologie sont deux outils essentiels dont l’Afrique australe a urgemment besoin pour renforcer la résilience des populations face aux enjeux du changement climatique.