
(...) Les soutiens pleuvent depuis des semaines (de Madonna à Yoko Ono, en passant par Aurélie Filippetti) et ce 17 août a été décrété journée mondiale de soutien au groupe. Pourtant, les trois membres du groupe de punkettes russes Pussy Riot, en détention depuis six mois, viennent d’être jugées coupables de hooliganisme et d’incitation à la haine religieuse, et condamnées à deux ans de camp pénitentaire.
(...) Pour Rue89, Joël Bastenaire met en perspective le procès ultra-médiatisé des Pussy Riot. Attaché culturel à Moscou puis conseiller culturel en Géorgie jusqu’en 2011, Joël Bastenaire est un fin connaisseur de la Russie.
En 1987, il crée une structure de production dédiée aux artistes de rock russe et publie cette année « Back in the USSR, une brève histoire du rock et de la contre-culture en Russie » (éd. Le Mot et le reste). (...)
la Russie, c’est pas la dictature communiste. Il ne faut pas croire : les Russes s’expriment clairement, ça n’est pas le goulag. Si on me permet la comparaison, c’est assez comparable au second Empire français : un pouvoir policier extrêmement efficace, manipulateur, qui contrôle toute la société, mais qui, pour des raisons d’image, n’est pas tout à fait répressif. De sorte que les opposants, malgré de possibles condamnations, s’autorisent une certaine agressivité. Cette agressivité, jusqu’aux manifestations de décembre, était très violente.
(...)
Les Pussy et beaucoup d’activistes dénoncent un régime complètement mafieux et policier qui contrôle tout, jusqu’à l’Eglise. Quand les Pussy vont dans une cathédrale mettre le souk, elles y vont pour démontrer que l’Eglise est une émanation de la police. C’est ça leur projet, et elles réussissent admirablement. (...)
L’argument du pouvoir est celui-là : si on n’emprisonne pas les gens qui font ces choses dans les églises, on aura des problèmes dans les synagogues et les mosquées.
Mais à la limite, sur les Pussy Riot, la question n’est plus seulement celle du verdict, mais de l’effet social qu’a eu ce débat. Il a exacerbé un dialogue fondamental. Aujourd’hui, beaucoup de gens disent : « Il faut se libérer de Poutine. » Pas seulement parce que c’est un dictateur ou pour des histoires de corruption, mais parce que le régime n’est plus efficace. Aujourd’hui, des intellectuels français signent des pétitions contre Poutine, et si une partie des grands bourgeois oligarques, et même toutes les élites (depuis la pétition lancée le 25 juin) aimeraient libérer les Pussy, c’est qu’ils pensent que le régime Poutine-Medvedev va dans le mur. (...)