La Bulgarie et la Roumanie sont entrées dans l’Union européenne (UE) en 2007. Si les groupes industriels se sont empressés de délocaliser des usines françaises dans ces deux pays à très bas salaires, par contre, certains pays membres de l’UE, dont la France, ont jugé utile de préserver leur marché du travail de l’arrivée de nouveaux travailleurs bulgares et roumains.
Ils s’appuyaient pour cela sur deux annexes introduites au traité dit de Luxembourg, signé en 2005 et relatif à l’entrée des deux pays dans l’UE. Ces annexes (VI et VII) prévoyaient, pour les pays qui souhaitaient les appliquer, des mesures transitoires pouvant durer jusqu’à sept ans. C’est ainsi que, du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2013, la France a refusé d’ouvrir son territoire aux travailleurs bulgares et roumains, dont beaucoup étaient des Roms.
Autant dire que les Roms venus malgré tout tenter de vivre en France se sont retrouvés dans des situations précaires, habitant le plus souvent des campements jugés illicites, que les ministres de l’Intérieur successifs se sont efforcés de démanteler de façon brutale.
Le traitement réservé aux Roms en France a suscité à diverses reprises la colère de Viviane Reding, commissaire européenne chargée de la justice, des droits fondamentaux et de la citoyenneté [1]. François Hollande, avant son élection, avait laissé entendre qu’il reverrait certaines mesures ; arrivé au pouvoir, il s’est contenté de faire signer par sept ministres le 26 août 2012 une circulaire [2] – sans force obligatoire car ne valant pas loi – sur « l’anticipation et l’accompagnement des évacuations de campements illicites ». Or, même cette circulaire, qui visait à tempérer le côté inhumain des expulsions de Roms en recommandant la mise en œuvre de diagnostics sociaux préalables et de propositions d’hébergement alternatives une fois détruits les campements, n’est pratiquement jamais appliquée, comme le souligne le Défenseur des droits dans son bilan de la circulaire, publié en juin 2013 [3].
1. Une très ancienne stigmatisation
Les Roms représentent la première minorité intra-européenne (de 10 à 12 millions de personnes selon la plupart des estimations). Sans État ni frontières, ils sont là depuis des siècles, répartis assez inégalement, dont beaucoup en Roumanie, mais aussi dans des pays comme l’Espagne où ils se sont fondus dans la population. Leur diversité interne est grande, selon qu’ils sont de telle ou telle appartenance culturelle, et ceux appelés « gens du voyage » sont en grande majorité français et abandonnent progressivement leur mode de vie itinérant.
N’ayant pas d’État, cette minorité a subi des persécutions diverses mais constantes en Europe, a connu l’esclavage en Roumanie jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, et a partagé le sort des juifs dans les camps d’extermination, ce qui est souvent passé sous silence. Or, cette stigmatisation continue aujourd’hui encore, et elle s’aggrave avec la crise économique et sociale qui frappe l’Europe, les Roms devenant ou restant partout des nouveaux ou perpétuels boucs émissaires. (...)
Ces concitoyens européens – sans les droits des Européens, et subissant donc un apartheid social au sein de l’Union – vécurent d’expulsion policière de leur campement en expulsion policière, à 6 heures du matin, dans le froid, y compris en plein hiver, avec destruction de tous leurs biens et saisie non récupérable de leur caravanes, sous les yeux des enfants terrorisés et durablement traumatisés, femmes enceintes, malades et personnes âgées se voyant jetés sur les chemins sans ménagement et sans proposition d’hébergement durable, en dehors d’appels au 115 saturé pour quelques nuitées d’hôtel social.
On aurait pu attendre d’un président se disant socialiste et de son gouvernement, en mai 2012, un autre comportement, plus respectueux des droits de l’homme et de l’enfant, et de notre conception de l’hospitalité.
2. Sous Hollande et Valls, la valse sans précédent d’expulsions de campements (...)
Ce bilan est déjà dramatique en soi, car il est en totale contradiction et en violation des droits de l’homme et de l’enfant tels qu’inscrits dans notre constitution, la Charte européenne des droits de l’homme, ou la Déclaration des droits de l’homme. Mais le pire est que, dès l’arrivée de Manuel Valls au ministère de l’Intérieur, il est légitimé par ses nombreuses déclarations publiques comme étant la seule solution envisageable. (...)
Ces prises de position publiques sont à dénoncer comme des appels à la haine raciale, car elles désignent de façon négative un groupe ethnique. Aussi le MRAP a-t-il récemment déposé plainte contre Valls pour ses propos discriminatoires (...)
il existe quelques milliards de fonds européens, notamment au Fonds social européen (FSE), pour favoriser l’intégration des Roms et des groupes vulnérables. Et ces fonds ne sont pratiquement pas utilisés (entre 3 et 10 % en ce qui concerne la France et la Roumanie), comme le souligne Catherine Grèze, députée européenne EELV. Pourquoi ne pas les débloquer d’urgence afin de rattraper le retard dont ont pâti ces populations du fait des mesures transitoires et des la stigmatisation dont elles sont l’objet ? Diverses associations vont l’exiger.
Mais reste un problème central, si l’on veut que les Roms deviennent des citoyens comme les autres : il faut rejeter au plus haut niveau de l’État la « tentation xénophobe » (...)
Dans de telles conditions, seules des sanctions européennes semblent devoir ouvrir aux Roms un avenir digne de citoyen européen à nos côtés. Le 16 août 2012, Viviane Reding écrivait dans Libération : « Il y a 12 millions de Roms en Europe, qui, comme nous, sont chez eux en Europe. Et c’est notre responsabilité de les aider à s’intégrer. [...] L’Europe reste très vigilante. […] Il nous faut bien plus que des stratégies sur le papier et de beaux discours. L’intégration des Roms doit devenir réalité dès aujourd’hui. »