
Bloquer le pays, c’est la stratégie des syndicats contre le recul de l’âge de départ à la retraite. Une grève prolongée pourrait-elle mettre un coup d’arrêt à la destruction du monde ? Fermer une usine, une infrastructure, ou même une filière d’activité ne revient pas à prendre le deuil. C’est la préparation du monde qui vient.
Par son ampleur et la diversité de ses participant·es, la mobilisation contre la réforme des retraites de 2023 secoue la société, bien au-delà de la critique du gouvernement. Elle crée partout des discussions sur le travail, sa place dans nos existences. Elle ravive l’espoir de ne pas perdre sa vie à la gagner. Cette conversation collective marque un moment exceptionnel d’expression, à la fois personnelle et partagée, politique et sensible.
L’indignation ne porte pas seulement sur l’allongement obligatoire du temps de travail qu’induit le recul de l’âge de départ à 64 ans. Un peu partout affleure une colère contre la réforme des retraites et son monde. (...)
Depuis le 19 janvier, dans les cortèges, défilent des pans entiers de l’économie : transports, énergie, métallurgie, agro-alimentaire, tourisme. Les travailleurs et travailleuses de l’industrie sont là. Celles et ceux des services aussi. On entend du bruit, des cris, des rires, des chants sous les banderoles et les pancartes. Mais toute une partie du vivant et nos écosystèmes demeurent inaudibles : les glaciers qui fondent, la mer qui monte, l’eau qui n’irrigue plus les champs, les insectes qui disparaissent, l’air intoxiqué de particules fines.
Bloquer le pays, c’est la stratégie des syndicats contre le recul de l’âge de départ. Une grève prolongée pourrait-elle mettre un coup d’arrêt à la destruction du monde ? La réforme des retraites se pense dans l’ignorance du dérèglement climatique. Les slogans et mots d’ordre de la mobilisation contre le départ en retraite à 64 ans n’en disent pas grand-chose non plus. (...)
Ce monde, quel est-il ? Celui de la production sans autre fin que la productivité économique et la rentabilité financière. La croissance comme indépassable horizon – en janvier, le ministre chargé de l’économie, Bruno Le Maire, louait les « capacités de résistance [...] exceptionnelles » de l’économie française en annonçant que la croissance serait positive. La valeur capitalistique comme seul critère d’évaluation des richesses.
En juin 1968, des étudiants en cinéma avait filmé la colère d’une ouvrière des usines Wonder de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), alors que la CGT venait de voter la reprise du travail après trois semaines de grève : « Non, je ne retournerai pas là-dedans. Je ne mettrai plus les pieds dans cette taule. »
Il y a 55 ans, la taule, c’était l’usine et la domination patronale. En 2023, la taule, c’est aussi le dérèglement climatique. Ne pas y retourner, ce n’est plus seulement abandonner sa place dans la chaîne de fabrication. Cela ne suffit plus. Puisque le climat constitue notre milieu de vie, il est impossible d’y échapper.
Le monde salarié est en première ligne des conséquences néfastes de l’industrie du pétrole, du gaz ou du charbon, à la fois en tant que force de travail et riverain des infrastructures fossiles (...)
Ce monde, quel est-il ? Celui de la production sans autre fin que la productivité économique et la rentabilité financière. La croissance comme indépassable horizon – en janvier, le ministre chargé de l’économie, Bruno Le Maire, louait les « capacités de résistance [...] exceptionnelles » de l’économie française en annonçant que la croissance serait positive. La valeur capitalistique comme seul critère d’évaluation des richesses.
En juin 1968, des étudiants en cinéma avait filmé la colère d’une ouvrière des usines Wonder de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), alors que la CGT venait de voter la reprise du travail après trois semaines de grève : « Non, je ne retournerai pas là-dedans. Je ne mettrai plus les pieds dans cette taule. »
Il y a 55 ans, la taule, c’était l’usine et la domination patronale. En 2023, la taule, c’est aussi le dérèglement climatique. Ne pas y retourner, ce n’est plus seulement abandonner sa place dans la chaîne de fabrication. Cela ne suffit plus. Puisque le climat constitue notre milieu de vie, il est impossible d’y échapper.
Le monde salarié est en première ligne des conséquences néfastes de l’industrie du pétrole, du gaz ou du charbon, à la fois en tant que force de travail et riverain des infrastructures fossiles (...)