
Après un an de guerre en Ukraine et à l’approche de la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, nous avons discuté avec Mira et Bella, du Mouvement socialiste de Russie (RSD, Secrétariat unifié), et Liliya Vezhevatova, l’une des coordinatrices de la Résistance antiguerre féministe (FAS).
Quelles formes de résistance à la guerre en Ukraine existe-t-il en Russie aujourd’hui ?
Mira : La résistance peut être divisée en trois branches. La première, la plus sûre, est la couverture de la façon dont la guerre affecte la société russe, la résistance à la propagande de Poutine. Ainsi, les informations se diffusent dorénavant plus activement sur Telegram : sur les blogs personnels de personnes célèbres et sur les chaînes spécialisées sur le sujet, comme Névoïna (Non-guerre). Néanmoins, il convient de noter que la sécurité de cette méthode de résistance ne peut être discutée qu’en comparaison avec d’autres.
La diffusion de « désinformations sur l’armée de Russie », qui relève souvent du simple constat, est punie par la justice. (...)
Cependant, on ne constate pas tant de poursuites pénales, alors qu’il y a des centaines de milliers de personnes qui republient la cruelle vérité.
La deuxième forme de résistance sont des actions visant à exprimer la protestation. Un exemple frappant est celui des actions de FAS. Coller des dépliants, envahir les espaces « non politiques » comme les groupes WhatsApp du quartier ou les épiceries. (...)
des chaînes Telegram telles que Antivoïénny Bolnitchny (Congé de maladie antiguerre) ou Anarkhia+ (Anarchie+) disposent déjà d’un nombre suffisant d’instructions pour comprendre rapidement les stratégies existantes d’autodéfense contre la persécution.
Il convient également de noter que les actions démarrent parfois spontanément. (...)
La troisième branche de résistance, et la plus radicale, est celle qui cause des dommages directs à l’appareil d’État. Les gens incendient les bureaux d’enrôlement militaire et sabotent les voies ferrées. De telles actions nécessitent des mesures de sécurité maximales et souvent la présence d’une organisation, même petite, comme un groupe de camarades. Un bon exemple est la BOAK (Organisation de combat des anarcho-communistes). Les femmes participent également à ces formes radicales de protestation. (...)
Bella : Une parfaite illustration est la résistance partisane de citoyennes ordinaires, femmes âgées, qui ont vécu à l’époque de l’URSS et qui sont de gauche. Elles s’opposent à la guerre, en incendiant les bureaux de recrutement militaires.
Liliya : On a déjà mentionné les performances de rue. Ainsi, en mars, nous à FAS avons lancé la campagne « Mariupol 5000 » : nos militantes érigent des croix commémoratives impromptues. (...)
Le gros problème est l’indifférence de la police et du système en général face aux problèmes des femmes. (...)
des représentants de l’Église orthodoxe ont même suggéré d’introduire le consentement obligatoire du mari à un avortement. Aujourd’hui, nous n’avons qu’une seule tâche : contribuer à la fin de la guerre en Ukraine. Nous, à FAS, aidons psychologiquement et financièrement les demandeurs·euses d’asile ukrainien·ne·es en Russie, bien que les autorités ne se précipitent pas pour leur accorder le statut de réfugié·e. Néanmoins, nous pensons qu’il n’est pas sûr pour les Ukrainien·ne·s de se trouver en Russie actuellement. D’autre part, tôt ou tard, un grand nombre d’hommes habitués à la violence reviendront de la guerre, ce qui entraînera certainement une recrudescence de la violence à l’égard des femmes. Nous devons commencer à réfléchir à la façon de minimiser ce problème (...)
force est de constater en 2023 que le mouvement féministe ne doit pas compter sur des leviers d’influence légaux.
Deuxièmement, la possibilité de parler ouvertement des problèmes et, par conséquent, de faire appel au grand public est réduite (...)
Par conséquent, la tâche à grande échelle des féministes est de renverser le régime actuel.
Un autre axe de travail reste la prise de contact avec les femmes, qui ne connaissent pour la plupart le discours féministe qu’à partir d’histoires d’horreur progouvernementales. (...)
Mira : Ce que j’ai abordé raconte les principales formes de contestation de gauche. Mais la résistance ne se limite pas à cela et à l’action politique collective en général. Il y a beaucoup de gens en Russie qui s’opposent à la guerre de leur manière : au lieu de « leçons » propagandistes, les enseignant·e·s donnent des cours de sensibilisation extra-curriculum, les jeunes convainquent leurs parents qui regardent la télévision, les avocat·e·s aident à échapper à la conscription. Toutes et tous ces Russes apportent leur petite contribution. (...)
(photo Amnesty International)