
Depuis le début du mouvement des gilets jaunes, ces secouristes militants viennent en aide aux manifestants. Bien que résolument pacifiques, ils sont régulièrement pris pour cibles par les forces de sécurité.
(...) Au fur et à mesure que le mouvement des gilets jaunes s’est installé dans la durée, ces secouristes d’un genre particulier sont devenus des cibles, et les anecdotes de brutalités policières à leur encontre s’accumulent. Depuis le début du mouvement, le journaliste indépendant David Dufresne, qui recense les blessures provoquées par les forces de l’ordre, a dénombré 30 medics parmi les victimes.
Continuer à intervenir malgré les brutalités policières
D’acte en acte, les brutalités à leur encontre se sont multipliées. De Bordeaux à Nantes, en passant par Toulouse ou Montpellier, on ne compte plus, par exemple, les confiscations de matériels de protection. Pour pouvoir porter secours aux blessés, les medics vont dans les parties les plus chaudes des cortèges et sont donc très exposés. Dans ces atmosphères saturées en gaz lacrymogène, il est impossible de procéder à des soins sans lunettes et masque à gaz. Pour se protéger des grenades de désencerclement et autres tirs de LBD, les casques sont indispensables. Cette confiscation, facilitée par la loi, « visant à garantir et à renforcer le maintien de l’ordre en manifestation », qui interdit de dissimuler son visage, s’accompagne parfois d’intimidations. « À Nantes, le 6 avril, deux groupes de medics sortis d’une nasse ont été pris en photo, les policiers ont relevé leur identité et confisqué leur matériel », dénonce Danny (1), medic breton, animateur d’une page Facebook intitulée « Dénonciation des violences policières contre les street medics ». Si les confiscations de matériels de protection sont devenues monnaie courante, il arrive aussi que leur possession conduise les medics directement au commissariat (...)
Parfois, les policiers s’en prennent à ces secouristes alors même qu’ils prennent en charge des personnes incommodées par les gaz lacrymogènes, voire plus sérieusement blessées. (...)
Pour pouvoir continuer à intervenir malgré les brutalités policières, de nombreux groupes ont été contraints de mettre en place des stratégies de défense. Des gardes du corps – les « escorts » – portant eux aussi le tee-shirt blanc, insigne des medics, montent la garde et protègent ceux qui soignent.
Dans les premières semaines du mouvement, les street medics pouvaient pourtant intervenir dans les manifestations sans difficulté. (...)
À partir de janvier, toutefois, le vent a tourné et les medics ont commencé à faire l’objet de représailles. Si les gardes mobiles les épargnent et, dans une moindre mesure, les CRS, en revanche, les brigades anti-criminalité (BAC) et les dispositifs d’action rapide les ont dans le collimateur. (...)
Certains policiers considèrent même que les medics ont des sympathies pour le Black Bloc, quand ils ne les soupçonnent pas d’en être des membres camouflés.
« Quand un medic est au sol, c’est un de moins qui va aider les autres”… »
Plusieurs raisons peuvent expliquer cette évolution des pratiques policières. Tout d’abord, les medics sont des témoins gênants, ils sont aux premières loges pour constater les bavures sur les manifestants. (...)
Ensuite, leur présence rassure les manifestants et permet à nombre d’entre eux de rester dans les cortèges quand la tension monte. (...)
Lors d’une nasse à Montpellier, un CRS a fait une déclaration pour le moins étonnante à Antoine (1), pompier hospitalier et medic à Montpellier : « Il m’a dit : “C’est comme en temps de guerre, quand un medic est au sol, c’est un de moins qui va aider les autres”… »
Outre une grande méconnaissance de la convention de Genève, qui protège les soignants, ce type de propos marque une évolution inquiétante du maintien de l’ordre pensé comme une guerre intérieure. « Les violences contre les medics sont particulièrement révoltantes pour les manifestants. (...)
Loin de dissuader d’agir, cette violence policière continue à alimenter les rangs des medics. Émilie les a rejoints début avril. « Quand j’ai vu ce qui arrivait aux journalistes et aux medics, je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose ! » Dès sa deuxième manif, à Toulouse, elle s’est retrouvée sous les gaz…