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Reportage à Samos : "Ils nous ont donné des couvertures et nous ont dit de nous débrouiller" (3/4)
Article mis en ligne le 18 décembre 2019
dernière modification le 17 décembre 2019

Sidibadi, migrant gambien de 31 ans, est arrivé en octobre 2019 sur l’île grecque de Samos après un périple de cinq ans qui l’a conduit du Sénégal à la Libye, de l’Égypte au Kazakhstan. Il espère pouvoir rejoindre son cousin en Norvège, mais doit attendre de pouvoir faire sa demande d’asile, ce qui peut prendre des années.

"J’ai quitté la Gambie il y a cinq ans, en 2014. Comprenez bien que je ne suis pas ce que vous appelez un "migrant économique". J’avais un bon travail au pays, en tant qu’électricien pour la Nawec, la compagnie nationale d’eau et d’électricité, à Serrekunda, à une dizaine de kilomètres de la capitale, Banjul. J’ai d’ailleurs encore mes diplômes avec moi. Si j’ai fui, c’est pour sauver ma vie. Je suis né dans une famille musulmane mais beaucoup de mes amis, avec qui j’ai grandi, étaient chrétiens. J’ai été influencé et quand j’ai décidé de changer de religion, ma famille et ma communauté m’ont menacé, ils ont voulu me pousser à revenir vers l’islam. Puis ils m’ont menacé de mort.

Je suis d’abord allé au Sénégal, où j’ai fait une demande de visa pour les Pays-Bas. Lorsqu’elle m’a été refusée, j’ai décidé de prendre la route, à travers le Mali et le Niger. Arrivé à Agadez, j’ai trouvé des passeurs qui m’ont emmené jusqu’à Tripoli. J’y ai passé un an et huit mois. J’ai été emprisonné six mois, torturé. Mes ravisseurs me disaient d’appeler ma famille, de leur demander de l’argent pour ma libération. Je leur répondais que je n’avais pas de famille, vu que mon père ne m’aurait jamais aidé. Mais j’ai fini par être libéré. Je vivais de petits boulots, dormais dans des squats. J’ai essayé plusieurs fois de prendre un bateau de fortune vers l’Italie, mais toutes les tentatives ont été infructueuses. La situation était trop difficile pour moi, et j’ai fini par partir vers l’Égypte. J’ai passé un an et trois mois au Caire, toujours en quête de sécurité.

J’ai retrouvé mon frère au Kazakhstan (...)

Les passeurs nous ont mis dans un petit bateau vers Samos, la mer était assez calme. À mi-parcours, nous n’avions plus de carburant. Aucun des numéros d’urgence qui nous avaient été fournis n’a répondu. Il a fallu appeler en Espagne pour que notre situation soit connue ! Un navire grec est ensuite arrivé pour nous sauver. Je n’avais pas mon sac sur mon dos et, dans la confusion de l’embarquement, les garde-côtes m’ont dit de le laisser derrière. Il contenait mon téléphone, quelques habits et 400 dollars. Heureusement, mon frère avait son sac sur lui, celui dans lequel j’avais glissé mes diplômes d’électricien. Nous sommes arrivés au port de Samos à 4 heures du matin. À 7 heures, la police nous a conduit au camp du hot spot, où il a fallu attendre jusqu’à 18 heures. Alors, ils nous ont donné des couvertures, et nous ont dit : "Ce camp est plein. Débrouillez-vous maintenant !" Nous avons été accueillis par nos frères gambiens, qui sont environ 200 dans la "jungle" autour du camp. Ils nous ont aidé à trouver une tente, laissée peu de temps auparavant pas un Malien. Elle nous a coûté 90 euros, que nous sommes encore en train de rembourser au vendeur. Maintenant, nous attendons notre entretien pour faire une demande d’asile. Ça n’est pas pour tout de suite : ma prem (...)

À Samos, sans terrain pour jouer au foot, sans endroit sec pour dormir, sans eau ni électricité, je me demande si je ne suis pas arrivé dans un endroit pire que ceux que j’ai traversé."