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Rendez-vous en terre inconnue ? Réflexions sur l’audition d’Alexandre Benalla par la commission d’enquête du Sénat
Le droit en débats
Article mis en ligne le 19 septembre 2018

« Il faut qu’on se pénètre bien de cette vérité que les droits et les devoirs de la chambre ne se bornent pas à étudier les vœux et les besoins de la France, à lui donner des lois ou à fixer ses impôts, il faut qu’on sache aussi qu’un désordre grave ne peut pas signaler un vice dans l’administration sans que la représentation nationale s’en inquiète, porte un regard scrutateur sur les causes du mal, et révèle le résultat de ses investigations quelles que puissent être les conséquences1. »

L’« affaire Benalla », du nom de cet ancien membre du cabinet du président de la République, n’en finit plus d’occuper les pages de la presse généraliste et juridique (dont celles qui suivent).

Il faut bien reconnaître que les faits – que l’on se passera de rappeler – sont assez inhabituels. Il faut bien admettre aussi que l’utilisation politique de ces faits occupe l’esprit et la plume des commentateurs les plus introduits. Quant aux citoyens, il est établi que personne ne leur demande rien mais que, lorsqu’on les exhorte à prendre position, c’est en les tenaillant entre les propos de vagues idolâtres criant au complot d’un côté et ceux de Saint-Just en culottes humides requérant l’écartèlement, de l’autre.

La rigueur juridique doit tenir bon dans ce maelström innommable. La question qui se pose aujourd’hui est née d’une controverse latente depuis le début des auditions des commissions d’enquête (feue) de l’Assemblée nationale et du Sénat : faut-il et peut-on interroger Alexandre Benalla alors que les faits dont on le soupçonne font l’objet d’une instruction judiciaire ?

La défense de monsieur Benalla avait, un temps, estimé que la commission d’enquête du Sénat ne pouvait valablement le convoquer ni, a fortiori, l’auditionner. La réponse empreinte de puissance publique du président de la commission a eu raison de cette position. L’intervention de la garde des Sceaux dans le débat, jugeant que la séparation des pouvoirs imposait que la commission renonce à auditionner Alexandre Benalla2, n’a pas pu renverser la détermination des sénateurs.

La seule explication rationnelle à cette stratégie d’Alexandre Benalla – outre un éventuel « tapis » de Texas Hold’em – devait prévoir de soulever la nullité de l’acte de convocation à l’occasion de poursuites engagées sur le fondement de l’ordonnance de 1958 en se fondant sur l’incompétence de la commission d’enquête. Cette incompétence aurait pu être fondée sur deux points : la commission d’enquête n’aurait pas dû être créée ou aurait dû cesser ses travaux dès l’ouverture de l’information judiciaire.

Répondre à ces questions nécessite de s’extraire de l’outrance des prises de position opposées. L’analyse conduit à la conclusion que la commission d’enquête du Sénat, seule survivante, est compétente tant pour enquêter sur les faits dont il est question que pour délivrer une convocation à Alexandre Benalla. (...)