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Remplacer le charbon par le bois :une « bio-mascarade » !
Article mis en ligne le 17 février 2019
dernière modification le 15 février 2019

Afin de limiter le réchauffement climatique, de nombreux États européens s’engagent vers la sortie du charbon. Comme solution durable de remplacement, les industriels proposent le bois. Mais pour les écologistes, cette voie impose « l’industrialisation de la forêt » et présente des conséquences plus graves sur la machine climatique que celles du charbon.

Urgence sur le climat. La production électrique est encore trop dépendante du charbon, grand émetteur de CO2. Cette énergie fossile représente 41 % du mix électrique mondial, 24 % de celui de l’Union européenne (UE). Alors, la plupart des pays européens affichent leur sortie programmée du charbon. En France ce serait pour le 1er janvier 2022. Ce qui, depuis début décembre, a déclenché une grève pour la sauvegarde des emplois, dans les quatre centrales de l’Hexagone encore en activité (...)

un arbre coupé repousse et le prélèvement pour le bois-énergie se ferait en deçà du taux d’accroissement de la forêt. Pas si évident !, répondent les écologistes, qui dénoncent une vraie fausse-bonne solution.

Razzia sur le bois
« Halte à la biomascarade ! » La dernière fois qu’ils ont manifesté, en février 2017, pour s’opposer au projet de conversion de l’unité « Provence 4 » de la centrale de Gardanne (Bouches-du-Rhône), ils étaient quelques centaines sous une pluie battante. Emmenée notamment par le collectif SOS Forêt et le parti Europe écologie Les Verts (EELV), la fronde intéresse peu le grand public. Elle pose pourtant la grave question du devenir des forêts [2].

Si l’unité de Gardanne atteint un jour sa pleine marche industrielle, elle engloutira 850 000 tonnes de bois par an, dont au moins 50 % issues de coupes forestières. C’est ce qui fait tiquer les écologistes, qui dénoncent une « industrialisation de la forêt » nécessaire pour répondre à l’appétit de l’ogre. (...)

Les projets français ne sont pas seuls : partout en Europe poussent de gargantuesques unités fonctionnant au bois-énergie. La centrale de Drax, en Angleterre, a besoin de 13,2 millions de tonnes de bois chaque année. L’équivalent de 120 % de la production forestière annuelle britannique [3].

« La forêt ne tiendra pas le choc »
Alors pour répondre à la demande, on importe à tour de bras. Des États-Unis et du Canada pour Drax. Du nord et l’est de la France pour Skærbæk au Danemark [4]. Du Brésil et d’Espagne pour Gardanne [5], même si le plan d’approvisionnement de cette centrale-ci prévoit, au bout de dix ans, une fourniture uniquement « locale », dans un rayon de 250 km. (...)

Voilà le bois réduit à une ressource minière. Extraite là-bas, transportée en bateaux et camions [7], puis brûlée ici. Et tant pis si cela met en péril ses usages plus nobles et plus durables, pour la construction ou l’isolation des bâtiments par exemple. « Mieux vaut isoler les constructions, plutôt que de brûler du bois pour chauffer à l’électricité des bâtiments qui sont des passoires thermiques », expose l’ingénieur énergéticien Jean Gazhorm.

Avec des élues EELV, il a planché sur un autre projet pour le site de Gardanne, fait d’unités de transformation durable du bois. A contrario, la combustion du bois à grande échelle, même sous forme de déchets, condamnerait sa valorisation sous forme d’isolant. (...)

Carbone en stock
Tout ceci remet en cause la « neutralité carbone » vendue par les partisans des centrales « biomasse ». « La conservation des forêts naturelles et des forêts anciennes est importante pour [...] l’atténuation du changement climatique. [Elles] fonctionnent comme des puits de carbone », plaidaient 190 scientifiques dans une lettre adressée à la Commission européenne en septembre 2017. En fait, une exploitation intensive de la forêt briserait le cycle de fossilisation du carbone. (...)

Même le respecté Conseil consultatif scientifique des académies européennes y va de son alerte : « Une utilisation non durable des forêts [...] réduit inévitablement le stockage du carbone dans les arbres vivants et les sols forestiers. » [10] Pour Sylvain Angerand et Cécile Marchand, co-signataires au nom des Amis de la Terre d’une tribune parue sur Reporterre [11], « brûler des arbres au moment même où nous avons le plus besoin d’avoir des forêts vivantes, capables de stocker du carbone, est le meilleur moyen de franchir des seuils d’emballement climatique irréversibles ».

Remplacer le charbon par du bois ? Un remède pire que le mal. (...)