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Relaxe Le Préfet Lambert, véritable Papon de notre temps
Article mis en ligne le 9 avril 2012

Non, ça n’est pas une injure, explique la 17e chambre correctionnelle de Paris. Au sens juridique, une injure ne se réfère à aucun fait précis. Dénonçant la politique anti-rom du gouvernement Sarkozy, le Collectif contre la xénophobie se référait à des faits extrêmement précis – une expulsion de camp à Bondy, une chasse sans fin entre Montreuil et Paris.
Lorsqu’il était ministre de l’intérieur, Brice Hortefeux avait pourtant souhaité poursuivre l’auteur d’un billet paru sur un blog lu par cinquante personnes, pour avoir qualifié l’action de son gouvernement de politique « ultra-raciste », et le Préfet de Seine Saint Denis de « véritable Papon de notre temps ». Dans ce court billet, était également proposée la formule « Lambert-Papon ».
La relaxe a été prononcée aujourd’hui. Et nous sommes dans la période d’une quinzaine de jours où le ministre de l’Intérieur pourrait faire appel de cette relaxe – ou bien le ministère public, ce qui revient au même dans ce type de procédure, puisque le ministre de l’intérieur délègue au ministère public la charge des poursuites, faisant l’économie de la constitution en partie civile.

(...) Comme on l’a vu, sous l’actuelle présidence, l’exécutif aura manifesté une large propension à mobiliser la justice pour un oui ou pour un non. Le pouvoir use et abuse, sans complexes, de sa position d’autorité, demandant aux tribunaux de relayer ses entreprises d’intimidation de la critique citoyenne – s’en prenant à l’essence même du débat démocratique. Depuis dix ans, de telles plaintes se seront multipliées impunément, obtenant le plus souvent la condamnation demandée, les tribunaux n’ayant pas la coutume de débouter Préfets, Ministres ou Président.

Qu’elles produisent des condamnations ou la relaxe (exceptionnelle) qu’on célèbre aujourd’hui, ces poursuites ont toujours des effets calamiteux, le pire étant l’autocensure qu’elles induisent mécaniquement. La multiplication des attaques à laquelle on a assisté, contre des militants ou de simples citoyens, ou contre des journalistes, aura fait reculer la liberté d’expression. La liberté d’expression et de débat politique. La démocratie.

Mais, à l’heure où nous écrivons, les prévisions semblent indiquer que cette page serait tournée. On remarquera ainsi que ce jugement courageux intervient à quelques semaines de l’élection présidentielle, et de l’alternance attendue. A ce titre, il pourrait bien marquer la fin des années de plomb du sarkozisme. Après dix années d’oppression, la justice comme la société entière aspirent à regagner les libertés perdues.

Plus encore, il s’agit là de sortir du cauchemar de la persécution quotidienne des sans-papiers ou des roms, comme de la paupérisation brutale infligée à tous au bénéfice d’une poignée, comme de la soumission généralisée qu’imposent les contrôleurs de chômage ou d’allocations. (...)

Si la chasse aux étrangers sans-papiers a dépassé toutes les bornes, la campagne anti-rom aura été le comble de ce parcours infâme. C’est là qu’on aura vu l’Etat dit républicain se permettre d’engager une politique expressément raciste. Comme on s’en souvient peut-être ceci aura y compris suscité l’émotion de la Commission européenne, et il a fallu que la France use de tous ses moyens d’intimidation pour empêcher que la commissaire européenne Viviane Reading n’engage des poursuites contre cet Etat dont les méthodes ressemblaient un peu trop à celles mises en œuvre sous de précédents régimes racistes qui n’ont pas vraiment laissé un bon souvenir en Europe.
C’est contre cette campagne que s’est soulevée la protestation « contre la xénophobie d’Etat », et que s’est constitué le « collectif contre la xénophobie  » sur le site duquel se trouvait le billet incriminé. (...)

Nous sommes confrontés à des politiques racistes au nom desquelles sont infligés des traitements inhumains et dégradants, et nous demandons que l’Etat réponde de ses crimes. C’est ça, Nuremberg.

Ebuzzing